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Tout d’abord notons un phénomène capital parmi ceux qui accompagnent les éruptions sous-marines. Il a été bien mis en lumière par le docteur E. Berté, qui, médecin à bord du Pouyer-Quertier, bâtiment télégraphiste français, a assisté en mer à toutes les phases de l’éruption de la Martinique et qui, par ses fonctions, était mieux que personne en mesure d’observer ceux de ces phénomènes s’accomplissant spécialement au fond des eaux. Il s’agit de réchauffement des couches d’eaux à une profondeur dépassant 2 000 mètres et des courans violens qui en sont la conséquence. Le récit du docteur E. Berté a paru dans le numéro de septembre du Bulletin de la Société de Géographie de Paris.

« La toile goudronnée qui entoure les bouts du câble brisé qu’on ramène à bord, et qui, ordinairement, est, encore intacte après dix ou quinze ans de submersion, n’existe presque plus. Le goudron qui imbibe la toile coule sur le pont et dans la cuve où le câble est replié : il est chaud ainsi que l’armature en acier qui enveloppe les lignes. »

Cet échauffement du sol communiqué aux eaux sus-jacentes donne naissance à de violens courans se faisant sentir jusqu’à la surface et probablement plus violens encore dans les profondeurs. Je cite de nouveau le docteur Berté :

« Le 7 mai 1902, courant de 3 nœuds portant dans le Nord qui nous fait dériver de 15 milles en 5 heures et qui fait couler une bouée. Le lendemain, catastrophe de Saint-Pierre.

« Les jours suivans, le courant disparaît, et nous pouvons rester les nuits à flotter par le travers de l’île La Perle, sans dériver d’un demi-mille. Pendant ce temps, la Montagne-Pelée est calme ou du moins peu agitée.

« Le 20, éruption, et un courant reparaît, moins violent, il est vrai, que le 8. Le 6 juin, les mêmes phénomènes se reproduisent. »

Les observations de M. Berté sont de la plus grande importance et devront être prises en très sérieuse considération dans toute étude de lithologie sous-marine.

Il est certain qu’un courant aussi violent entraînera des sédimens sableux déjà déposés sur le fond et qu’il les laissera retomber plus loin au milieu des sédimens vaseux habituels des profondeurs. Le phénomène étant transitoire, ces dépôts prendront fin avec lui et, au total, il se sera formé des lentilles sableuses.