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La première question qui se pose est de savoir si cette mort est la conséquence obligatoire de la vie elle-même, si elle en est l’aboutissant fatal, le terme nécessaire. On peut s’adresser pour cela à l’observation vulgaire, pratiquée, pour ainsi dire, sans lumières et sans précautions spéciales. Mais c’est l’analyse physiologique de la notion d’individualité qui, seule, permettra une réponse précise à cette question de la fatalité de la mort.


II

L’opinion vulgaire nous enseigne que les êtres vivans n’ont qu’une existence passagère, et, selon le mot d’un poète, que la vie n’est qu’un éclair entre deux nuits profondes. Mais, d’autre part, une très facile observation nous montre ou paraît nous montrer des êtres dont la durée d’existence est de plus en plus longue, et, pratiquement, illimitée.

On connaît des arbres d’une antiquité vénérable. Parmi ces patriarches du monde végétal, on signale un châtaignier de l’Etna qui est vieux de dix siècles, et un if, en Écosse, dont l’âge est évalué à trente siècles. Les arbres dont la durée approche de cinq mille ans ne sont pas absolument rares. On peut citer, parmi ceux qui se trouvent dans ce cas, le dragonnier d’Orotava, dans l’île de Ténériffe. On en connaît deux autres exemples en Californie, le pseudo-cèdre ou Tascodium de Sacramento et un Séquoïa gigantea. On sait que l’olivier peut vivre sept cents ans. On a signalé des cèdres de huit cents ans et des chênes de quinze cents ans.

Des espèces végétales d’une durée de vie presque illimitée s’offrent sans cesse à l’observation des botanistes. Telles sont les plantes à rhizome défini, comme le colchique. Le colchique automnal a une tige souterraine dont le bulbe pousse chaque année de nouveaux axes pour une nouvelle floraison ; et, chacun de ces nouveaux axes atteignant une longueur à peu près constante, un botaniste a pu se proposer le singulier problème de savoir combien de temps il faudrait à un même pied, convenablement dirigé, pour arriver à faire le tour du globe.

Les végétaux reproduits par bouture fournissent un autre exemple d’êtres vivans d’une durée indéfinie. Tous les saules pleureurs qui ornent les bords des pièces d’eau dans les parcs et les jardins de l’Europe entière proviennent directement ou