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Supposons qu’on la fasse, — et nous sentons bien tout ce qu’il y a là d’hypothétique, — croit-on que la Macédoine, heureuse et paisible sous la souveraineté ottomane, n’aura plus rien à désirer ? Quand même il en serait ainsi, on continuerait de demander pour elle autre chose encore. Ce ne sont pas des réformes que réclament les comités révolutionnaires formés en Bulgarie : ils seraient même désolés de les voir faire et réussir. Le but qu’ils poursuivent est très différent. Aussi faut-il faire des réformes ; mais il y aurait quelque naïveté à croire que la paix renaîtra le lendemain du jour où on les aura faites. Derrière cette question des réformes, est une question politique qu’on ne prend même pas la peine de dissimuler. Les comités bulgares s’en sont emparés, et se sont chargés de la résoudre. Lorsque le général Zontchef a passé la frontière et qu’il a essayé de soulever la Macédoine, il voulait incorporer cette province à la Bulgarie ; et demain, lorsque Sarafof fera à son tour une tentative analogue, ce sera pour rendre la Macédoine indépendante, solution provisoire, probablement destinée à faire place à une autre à travers des aventures qui mettront en cause plusieurs grandes puissances, sinon toutes. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier, si on veut se rendre vraiment compte des intérêts qui s’agitent dans la péninsule des Balkans.

Certes, le paysan macédonien est très malheureux. Il n’y a rien d’exagéré dans tout ce qu’on a dit des exactions dont il est l’objet de la part des percepteurs d’impôt, des gendarmes, de toutes les autorités civiles et militaires de la province. Nous avons signalé la principale cause de ses souffrances et le principal remède qu’on pourrait y apporter. En attendant ce remède, le paysan macédonien est digne d’une profonde pitié, et les révolutionnaires venus du dehors trouvent des élémens très inflammables dans une population qu’on a réduite au désespoir. Tout cela est vrai, mais ne l’est pas seulement d’aujourd’hui. Il y a longtemps que les choses sont ainsi, et qu’elles continuent de marcher, très mal sans doute, mais enfin sans provoquer de ces secousses et de ces heurts violons qu’on appelle des révolutions. On dira peut-être qu’il n’est patience si grande qui enfin ne se lasse : cependant, la lassitude des Macédoniens n’est pas la cause la plus active du péril dont est menacé l’empire ottoman.

La vérité est que, si la Macédoine est un terrain admirablement préparé pour la révolution, c’est en Bulgarie que celle-ci fermente et s’élabore. On ne fera croire à personne que le gouvernement princier ne viendrait pas facilement et rapidement à bout des comités, s’il le voulait ; mais il ne le veut pas ; il se contente de désavouer officiel-