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lement Zontchef et Sarafof et les soutient en réalité. Qui pourrait s’en étonner ? L’élément bulgare est aujourd’hui le plus nombreux, le plus remuant, peut-être le plus intelligent du monde balkanique. La Bulgarie se regarde volontiers comme le Piémont montagneux destiné à exercer ! un jour son hégémonie sur la péninsule tout entière et à en assurer l’unité politique. Elle ne dissimule pas son ambition. Malheureusement, cette ambition est partagée, on peut dire par tout le monde autour d’elle Le statu quo territorial peut être maintenu pendant longtemps encore en Orient, mais ce qui est hors de doute, c’est qu’il ne peut pas être changé au profit d’une petite puissance quelconque, sans que toutes les autres se présentent pour prendre leur part du gâteau. On a pu croire qu’il n’en serait pas ainsi pour la Crète, parce que c’est une île, et qu’il parait être dans l’ordre évident des destinées qu’elle appartienne un jour à la Grèce : mais la Macédoine, province continentale et qui contient en nombre appréciable des représentans de toutes les races orientales, ne saurait devenir le lot d’un seul. Elle ne le deviendrait du moins qu’au prix d’une guerre. Il y a bien la solution du comité Sarafof, la Macédoine indépendante : mais pourrait-elle se maintenir longtemps ? Les races qui voisinent en Macédoine se détestent cordialement les unes les autres ; le Turc seul les empêche de tomber dans l’anarchie et dans la guerre civile, qui seraient la rançon immédiate de leur indépendance commune, et la préparation de la conquête ou de l’absorption par les nationalités environnantes, ou par l’une d’elles. La principale, nous l’avons dit, est la nationalité bulgare. Le prince Ferdinand est à la fois prudent et ambitieux. Depuis quelque temps, il a donné des signes assez manifestes que son ambition est sur le point de l’emporter sur sa prudence. C’est là, et non pas ailleurs, qu’il faut chercher l’explication de ce qui se passe en Orient. Le prince Ferdinand joue son rôle ; on ne saurait le lui reprocher. Il le joue même bien. Tout autre, à sa place, ferait sans doute comme lui. Il s’agit seulement de savoir si l’Europe le laissera faire. L’Europe a d’autres intérêts que ceux de la Bulgarie ; elle a les siens propres, qui ne peuvent trouver quelque sécurité que dans le maintien du statu quo politique et territorial. C’est pourquoi nous serions désireux de savoir ce qu’on pense réellement à Saint-Pétersbourg et à Vienne, non pas des réformes, sur lesquelles tout le monde est du même avis, mais de l’action révolutionnaire qui se prépare à Sofia et des mesures à prendre, pour en régler ou même pour en arrêter les développemens.

Le Livre Jaune ne nous renseigne pas à ce sujet, et ce n’est pas un reproche, c’est un regret, que nous exprimons. À peine parle-t-il