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de l’administration centrale, que seul il engage et congédie lorsqu’il les croit « brûlés. » Tantôt confondus à bord, dans la foule, tantôt plongeant du haut des quais ou paresseusement accoudés sur le parapet d’un pont, ils suivent de l’œil les allées et venues des embarcadères.


V

La première période de l’histoire des transports urbains avait duré deux siècles, depuis l’apparition des chaises à porteurs et des fiacres jusqu’à la création des omnibus. La seconde période, moins longue et beaucoup plus remplie, marquée par le développement de la traction mécanique, a pris fin avec l’inauguration du « Métropolitain. » Par lui s’ouvre une ère nouvelle.

Tandis que les moyens de communication se multipliaient au long des vieilles rues, des boulevards modernes et dans le lit de la rivière, Paris s’étendait de tous côtés ; les distances, par suite, augmentaient ; la population croissait et, avec elle, l’enchevêtrement des piétons et des véhicules destinés aux personnes et aux marchandises. Et, comme véhicules et piétons sortent aux mêmes heures et fréquentent les mêmes lieux, ils se gênaient les uns les autres de plus en plus ; si bien qu’il devint urgent de poster des sergens de ville au croisement des voies les plus fréquentées, pour faire à chacun sa place et sa part. Introduire au sein d’une circulation si intense qu’elle s’entravait elle-même la locomotion à grande vitesse était un rêve. On ne tarda pas à s’en apercevoir. Electriques ou à vapeur, les tramways sont incapables d’user de la vélocité dont les a dotés la science. Ils se frayent un passage, au centre de la ville, aussi lentement que les chevaux. La force des choses, la prudence de leurs directeurs, les pouvoirs publics eux-mêmes qui les avaient encouragés à se transformer, s’opposent à toute accélération de leur allure. Et l’on s’aperçut que, pour « brûler le pavé, » à travers ce Paris dont on ne pouvait vider les rues, il fallait s’y ménager une route vide… sous les pavés.

L’idée n’était pas nouvelle. Sans remonter jusqu’à 1855, où M. Brame proposait de relier le cœur et, plus exactement, le « ventre » de Paris aux gares du Nord et de Lyon par une ligne dite des Halles, un projet de chemin de fer intérieur, inspiré par l’exemple de Londres, vit le jour en 1872. Il reçut le nom