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faire passer ces dispositions dans la pratique, et l’on poursuivit avec la même conscience que par le passé un travail qu’on savait condamné dès sa naissance. Peut-être eût-on d’ailleurs éprouvé de nouvelles déceptions, car certains plans parcellaires étaient si mal établis qu’il aurait vraisemblablement fallu les recommencer pour servir de base à une opération contradictoire et définitive comme celle qui résulte du système Torrens. Tous ces tâtonnemens n’avaient réussi qu’à faire constater une fois de plus l’impuissance de l’administration civile en Algérie ; on avait dépensé des sommes considérables, inquiété les indigènes dans leurs familles et dans leurs propriétés, et même dépossédé certains Européens, pour n’arriver qu’à certains résultats problématiques. L’un des meilleurs effets de la nomination de la Commission sénatoriale d’études sur l’Algérie, en 1891, a été de mettre un terme aux opérations extravagantes de la propriété individuelle.

Ainsi, après avoir proclamé l’insuffisance du sénatus-consulte de 1863, qui ne tenait point assez de compte des besoins de la colonisation, on a dû y revenir, tandis que le système de la loi de 1873, vanté autrefois outre mesure, est tombé dans le plus profond discrédit, parce qu’il sacrifiait entièrement à des besoins hypothétiques l’intérêt présent des indigènes, qui, lui aussi, se lie intimement à l’avenir de la colonie. Il ne restera de la loi de 1873 que le souvenir d’une entreprise insuffisamment préparée, mal conduite, non contrôlée et fort onéreuse ; mais ce serait une faute impardonnable de ne pas tirer de cet échec même un enseignement pour l’avenir.

L’opération du sénatus-consulte qui se poursuit encore, a pour effet non point seulement de délimiter les tribus et les douars, mais de rechercher dans chaque périmètre toutes les terres appartenant au domaine public ou privé, soit à titre de biens vacans, soit comme terrains forestiers, sources, etc., et d’en opérer le bornage. Ce travail donne et donnera encore lieu à des découvertes d’une certaine importance et à la constatation d’usurpations nombreuses, commises sans titres par les indigènes ; il y a donc là des ressources pour la colonisation, soit qu’on allotisse les terrains ainsi attribués au domaine en vue de la vente aux enchères, soit qu’on s’en serve comme moyen d’échange avec les indigènes. C’est un appoint qui n’est pas négligeable ; mais cette ressource ne pourra durer longtemps, et il faut dès maintenant