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aviser aux moyens de permettre l’acquisition de terres indigènes par les Européens.

Une loi de 1887 a permis aux indigènes de vendre des terres de propriété collective après une enquête partielle destinée à établir l’étendue de leur droit ; le principe en est excellent ; mais les frais de ces enquêtes sont très considérables, et ils devraient être réduits pour permettre de multiplier ce genre d’opérations, limitées aujourd’hui aux grandes propriétés. Elles ne devraient être permises qu’au profit de colons, c’est-à-dire de personnes justifiant qu’elles ont les moyens et l’intention d’exploiter personnellement, car, sans cette réserve, elles serviraient presque exclusivement à favoriser les spéculations sur la terre. L’expérience démontre en effet que, depuis 1887, la majeure partie des enquêtes partielles effectuées l’a été à la suite d’actes de vente destinés à masquer des opérations usuraires ; or, si la France a intérêt à favoriser la colonisation sérieuse, elle doit, en revanche, protéger efficacement les indigènes contre l’usure qui est une des plaies de l’Algérie. Toute terre acquise par un Européen en vertu d’une enquête partielle devrait d’ailleurs être soumise d’office à un système d’immatriculation à organiser d’après les principes généraux de la législation tunisienne, et, quel qu’en fût le possesseur, elle serait à l’avenir placée exclusivement sous le régime de la juridiction française.

Les indigènes pourraient-ils être admis à réclamer le droit d’enquête partielle et d’immatriculation ? Il semblerait préférable de le leur refuser ; cette mesure, en effet, est prise dans l’intérêt exclusif de la colonisation et doit être réservée aux seuls colons ; nous n’avons aucun avantage à faciliter le déplacement de la propriété entre Arabes ou entre indigènes et Israélites. L’immatriculation leur fournirait d’ailleurs un moyen d’aliénation trop facile, auquel nous ne devons pas nous prêter. Il est beaucoup plus délicat de savoir si nous pouvons appliquer aux indigènes le principe de notre code civil, en vertu duquel nul n’est tenu de rester dans l’indivision, et cette question conduit nécessairement à rechercher quel est, des régimes de la propriété familiale ou de la propriété individuelle, celui qui doit être préféré pour les indigènes d’Algérie.

Ce ne sont pas seulement la tradition et les mœurs patriarcales qui imposent aux indigènes des hauts plateaux ou du Tell le régime de la propriété collective ; bien d’autres causes les y