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d’Algérie pour entrer dans un pays soumis à notre protectorat, et il faut souhaiter sans toutefois trop se leurrer d’espérance, que la diplomatie arrivera le plus tôt possible à nous en débarrasser.

Si l’on jette maintenant un regard vers le Sud, la question change d’aspect. Et d’abord, qu’est-ce que le Sud au-delà des limites de notre, domination ? Une mer de pierres et de sable, que parcourent trente ou quarante mille pillards touaregs. Au milieu de ce désert, un groupe d’oasis abondamment pourvues d’eau et contenant une population qu’on évalue à 300 000 habitans : c’est le Touat, le Gourara et le Tidikelt ; au-delà, plus rien jusqu’au Niger. Que peut être le commerce dans cette région et quel intérêt peut-il nous offrir ? Telle est la question à laquelle les officiers qui commandaient autrefois dans le Sud n’ont jamais hésité à répondre par la négative. Est-ce 3 à 400 000 indigènes de plus qui augmenteront de beaucoup les débouchés de notre commerce en Afrique ? N’est-il pas évident, au contraire, que ces indigènes fuiront obstinément nos marchés, tant qu’ils pourront s’approvisionner chez leurs coreligionnaires du Sud tunisien, de la Tripolitaine et du Maroc ? Ignore-t-on que le principal commerce du Soudan avec les oasis du Touat est celui des esclaves et que ce commerce ne peut se faire avec l’Algérie ? Les habitans du désert, par leurs mœurs et leur religion, se trouvent donc incités à commercer avec le Maroc et la Tripolitaine, et écartés des marchés algériens.

L’extension de la France au Soudan semble avoir démontré l’exactitude des prévisions de nos anciens commandans militaires dans le Sud. Tombouctou, la grande cité du Niger, à laquelle les voyageurs d’il y a un demi-siècle attribuaient au moins 100 000 habitans, n’est qu’une ville assez misérable de 4 à 5 000 âmes. Les rives du Niger, le Mossi, le pays d’Haoussa ne sont, au dire des explorateurs, que d’une richesse très relative ; quant au Bornou lui-même, dont la prospérité paraît beaucoup plus grande, ses débouchés naturels sont les vallées du Niger et de la Bénoué, dont l’Angleterre tient entre ses mains l’embouchure. Il n’a, au Nord, que des rapports insignifians avec la Tripolitaine. Le commerce du Sud n’est donc et ne sera pendant de longues années encore que très réduit ; c’est ce que le gouvernement de l’Algérie, séduit par certaines utopies, semble avoir perdu de vue, lorsqu’il a annoncé de merveilleux projets commerciaux