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confiant, était moins présomptueux. L’expérience et la réflexion ont ramené Moltke à reconnaître qu’en cette occasion il avait été plus chanceux que sage ; il n’a plaidé que les circonstances atténuantes et, en 1870, ne s’imitant pas lui-même et nous laissant le soin de l’imiter, il a fait contre nous le contraire de ce qu’il avait pratiqué en 1866.

Les défectuosités de ce plan se firent aussitôt sentir. Le Prince royal, jeté en Silésie, apprend que Benedek se concentre autour d’Olmütz ; il en conclut qu’il va avoir sur les bras toutes les forces autrichiennes ; il s’inquiète et demande qu’on le renforce. La seule manière de ne pas satisfaire à une exigence aussi justifiée était de corriger le plan initial, dont le vice devenait palpable : on l’aggrave ; on ne rapproche pas l’armée qu’on avait eu le tort d’éloigner, on l’éloigné encore un peu plus ; on l’autorise à s’établir sur la Neisse et on lui envoie un nouveau corps st la Garde ; la distance entre les deux armées, déjà trop grande, est accrue de cinq à six journées. Jusque-là, l’erreur stratégique commise était grave ; « elle devient colossale, telle que la ruine de la Prusse devait en être la conséquence en présence d’un ennemi nourri de l’esprit napoléonien, actif et manœuvrier[1]. »

Benedek pouvait tirer parti de la séparation des deux masses prussiennes, en allant excentriquement contre le Prince royal par Olmütz et la Neisse. L’état-major autrichien avait fait tous les préparatifs en vue d’une action sur Olmütz, et Benedek était certain d’atteindre le Prince royal sur la Neisse quatre ou cinq jours avant qu’il fût secouru par les deux autres armées. Il préféra s’avancer sur le Haut-Elbe, sur l’armée principale prussienne, celle de Frédéric-Charles, afin de s’établir dans une excellente position entre Josefstadt et Königinhof. Une fois là, il offrirait la bataille si les circonstances le permettaient. Le 9 juin, il avait resserré différens corps sur Olmütz ; le 17, il ordonne le départ ; le 18, le VIe corps et la 1re division de cavalerie de réserve se mettent en route.

Sur le point de s’engager dans une campagne qui ferait de sa vieille renommée une gloire ou la détruirait irrévocablement, il écrivit à sa compagne dévouée : « Ma bien-aimée, ma bonne Julie, je te remercie de chacune des bonnes paroles que tu me dis, au moment où commence l’œuvre dont j’ai la

  1. Général Bonnal, Sadowa.