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pour mettre fin à la guerre agraire et à ce régime désastreux de la dualité de propriété, en renonçant spontanément à jouer les seigneurs féodaux pour demeurer dans leurs manoirs, sur leurs domaines gérés directement, simples citoyens et propriétaires exploitans ?

Pour la première fois dans l’histoire d’Irlande, on voit ainsi aujourd’hui les landlords, du moins une majorité d’entre eux, se montrer favorables à la conciliation. Depuis quelques mois notamment, l’idée s’était fait jour d’un rapprochement, d’une entente entre landlords et paysans en vue d’une solution pratique de la question de la terre. Le gouvernement n’y était pas défavorable, si l’on en juge par cette déclaration officielle, — curieux aveu d’impuissance tombé des lèvres d’un Cherf Secretary, — que fit M. Wyndham en septembre dernier : « Nul gouvernement ne peut résoudre la question foncière. Il faut que les parties en cause la résolvent elles-mêmes ; le rôle utile du gouvernement n’est que de procurer les moyens, dans la mesure possible, de donner effet à l’arrangement intervenu. » On savait déjà que M. Wyndham devait déposer, en 1903, à la Chambre des communes un bill agraire : quel avantage si d’ici là landlords et paysans pouvaient se mettre d’accord par l’entremise de leurs délégués, et formuler, avec l’autorité de leur commune sanction, un avant-projet de solution du grand problème irlandais !

Mais on comptait sans la Lawlowners Convention, sans les grands personnages du parti, voués à la lutte à outrance : à une forte majorité, ils repoussent la proposition, qui leur est soumise par lord Mayo, M. Talbot-Crosbie et le capitaine Shawe-Taylor, d’une « conférence » à tenir entre les représentans des tenants et ceux des landlords. Ce fut le signal de la scission : tout de suite la grande majorité des landlords rompt avec ses représentans officiels. On insiste pour la réunion de la Conférence amiable, laquelle a lieu en effet, en décembre, sous la présidence de lord Dunraven ; les paysans y sont représentés notamment par MM. T. W. Russell, John Redmond et William O’Brien, à l’extrême modération desquels on ne peut que rendre justice. Elle aboutit à une sorte de « déclaration » où sont posées d’un commun accord les bases, les conditions d’un plan acceptable de rachat général des terres, avec avantages réciproques à faire aux deux parties, et large subvention à fournir par l’Échiquier, le Trésor impérial.