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Le dernier incident grave s’est produit à Monastir ; on n’en connaît pas encore très bien les détails. Le sang a coulé. Les Turcs disent que ce sont les Bulgares qui ont commencé ; les Bulgares prétendent que ce sont les Turcs : ils en sont également capables les uns et les autres. Les troupes ottomanes ne sont pas patientes, surtout lorsqu’elles ne sont pas payées, ce qui est un cas très habituel. Précisément à Monastir, elles se plaignaient de ne pas l’être et menaçaient de déposer les armes : le vali s’est vu obligé d’emprunter cent cinquante livres pour les distribuer aux plus mécontens. A Uskub et dans tout le vilayet, les combats entre révolutionnaires et soldats impériaux sont continuels. Les insurgés sont armés de fusils Gras, et, dit-on, de balles explosibles. Des officiers bulgares sont mêlés à eux ; sur les prisonniers et sur les morts, on a trouvé des livrets militaires de l’armée régulière bulgare Tous ces faits sont graves à coup sûr. Ce qui l’est encore davantage et permet de tout craindre pour l’avenir, c’est qu’on découvre chaque jour de grandes quantités de dynamite et d’autres matières explosives entre les mains des insurgés. Les dépôts sont le plus souvent chez les instituteurs et chez les prêtres bulgares. On affirme qu’Hilmi-Pacha est en possession d’un petit livre trouvé sur un insurgé, qui a été imprimé à Leipzig en 1902 en langue bulgare, et qui porte le titre de Manuel pour la destruction des édifices publics, ponts, chemins de fer, etc., et instruction pour la confection des bombes et autres explosifs. » Nous ne disons rien de Constantinople : la police y est sur les dents ! On y parle continuellement de découvertes terrifiantes, surtout de mines souterraines ; mais il faut tenir compte de l’état de surexcitation des esprits, et faire à l’imagination la grande part qui lui revient dans tous ces bruits.

Si on recherche, en tout cela, les responsabilités, la principale revient à coup sûr à la Porte, dont le détestable gouvernement a fourni aux révolutionnaires des prétextes très plausibles, et en même temps des complices dans une population réduite au désespoir. La Porte aurait pu réparer dans une certaine mesure le mal qu’elle a fait, ou qu’elle a laissé faire, en exécutant les réformes qu’elle a promises. Peut-être en serait-il résulté une détente en Macédoine : en tout cas, il y aurait eu là, de sa part, une preuve de bonne volonté dont l’Europe aurait tenu compte. Quelque insuffisantes que soient ces réformes, on aurait pu les regarder comme un commencement, les prendre comme une espérance et en remettre la suite à un temps ultérieur. Mais rien n’a été fait. De là l’exaspération des Macédoniens venant en aide à la rage des révolutionnaires ; Quant à la seconde