Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépenses d’esprit pour suffire aux devoirs de votre rang, si vous puisiez dans votre intelligence sans jamais y rien mettre par la réflexion, l’étude ou la lecture, un jour viendrait où vous seriez sans provisions. Lisez surtout des livres bien écrits, d’un style net et ferme, et, en général, les modèles. Ceux-là font penser. Leurs idées se communiquent plus facilement, parce qu’elles sont exprimées avec clarté, et elles se gravent plus profondément dans la mémoire, parce qu’elles ont plus de relief et de vigueur dans la forme. N’oubliez pas que tous les hommes de guerre qui ont été autre chose que des dévastateurs ont aimé les lettres ; que tous ceux qui ont sérieusement agi sur leurs contemporains l’ont fait, surtout, par la supériorité de l’esprit, qui, au service de la force matérielle, a une puissance irrésistible. Cultivez donc cette heureuse nature que vous avez reçue du Ciel, et dont les premiers succès ont été, en tous genres, si brillans, et soyez sûr que cette bonne habitude que vous avez prise vous sauvera de ce grand écueil des natures faciles et des positions toutes faites, l’esprit de routine, auquel on s’abandonne quand l’intelligence n’est pas sollicitée sans cesse par cet utile travail qui est Je résultat de la lecture…


Paris, 6 avril 1844.

Mon cher Prince,

Le courrier d’Afrique arrivé hier à Paris a causé une grande joie dans la famille royale, et je suis sûr que la lecture de vos dépêches dans les journaux d’aujourd’hui sera suivie d’une satisfaction générale. Vous avez très noblement accompli cette partie de votre tâche, et vous avez raconté simplement, avec modestie, en vous effaçant, ce qui s’est fait sous votre direction, par vos ordres et quelquefois par votre exemple. La sagacité du public saura faire votre part dans ce bulletin que vous n’avez voulu rendre glorieux que pour votre jeune frère et pour votre armée. Il est arrivé, avec vos dépêches, une véritable inondation de lettres particulières qui se lisent dans Paris et qui sont le commentaire de votre rapport : vous jugerez, par celles que publient les journaux, si ce commentaire vous est favorable. Je n’ai connu que par les journaux de ce matin le détail des brillantes nouvelles dont votre excellente et aimable lettre du 26 mars contenait l’annonce. J’ai lu, je puis le dire, avec émotion, ce que vous racontez de votre jeune frère et des exploits de votre division. La