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fois posée en règle absolue, dispense l’esprit d’analyser les rapports de ce participe avec le sujet et avec le complément du verbe. La locution, en ce cas, fait bloc. Il n’y a plus de distinctions ni de nuances. Les articulations de la pensée s’ankylosent. On retourne insensiblement, mais inévitablement, au « synthétisme, » et pourquoi pas à « l’agglutination ? » c’est-à-dire au système où le verbe et le sujet, l’article et le régime, l’adverbe et la préposition, tout cela ne formant ensemble qu’une espèce de « magma, » la proposition entière s’exprime d’un seul mot ? Contentons-nous ici d’avoir indiqué le problème. Entre les « chinoiseries » de l’orthographe et les difficultés de la syntaxe, d’une part, et, d’autre part, certaines qualités de la langue, il y a peut-être plus de relations qu’on ne pense. Les partisans à outrance de la réforme de l’orthographe, mais surtout de la syntaxe, y ont-ils toujours assez réfléchi ?

D’autres observations de M. J. Novicow soulèveront moins de critiques. « Les mots français, dit-il, sont généralement d’une dimension agréable, ni trop longs, ni trop courts. Il y a aussi une juste pondération des consonnes et des voyelles. L’italien pèche peut-être par trop de sonorité. » Voilà de ces choses que l’on ne saurait décemment se dire à soi-même, et qu’on est donc bien aise d’entendre dire par un étranger. Puisse du moins la remarque de M. J. Novicow nous mettre en garde contre la tendance que nous avons, depuis un siècle ou davantage, à former des mots nouveaux par allongement illégitime ou criminel des anciens : Règle, Régler, Règlement, Réglementer, Réglementation, et sans doute, un de ces jours, Réglementationner et Réglementationnement ! « Un autre avantage du français, dit également notre auteur, c’est que ses consonnes et surtout ses voyelles sont d’une prononciation très facile. Beaucoup de Slaves et de Germains ont de la peine à prononcer le th anglais. Or, en français, il n’y a aucune consonne de ce genre… L’anglais a encore une série de sons vocaux qui ne se retrouvent dans aucune langue ». Ce sont là, continue-t-il, de grands et sérieux obstacles à l’expansion de l’anglais, qui augmentent d’autant « les chances du français. » Et, en effet, pour prononcer correctement l’anglais, ne dirait-on pas qu’il soit besoin d’une conformation particulière et spéciale des organes mêmes de la parole ? « Il m’a toujours été impossible, dit M. J. Novicow, de prononcer le mot Soap comme les Anglais. » C’est peut-être qu’il n’a pas la mâchoire ou le