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Mais est-ce bien une mesure, et une mesure assez exacte, qui ne puisse être faussée ni altérée par rien ? Au contraire, quelque circonstance, quelque habitude professionnelle ou industrielle, n’intervient-elle point, qui suffit à modifier la proportion ? Et, par exemple, ne se sépare-t-on pas plus résolument, dans les mines, de vieux ouvriers que l’on garde, dans la métallurgie, soit en les employant à des besognes moins difficiles, soit, parfois, en les laissant dans l’équipe où ils ont toujours travaillé, quand même ils seraient pour elle comme un poids mort que pour un temps elle aurait à traîner ? En tout cas, si la vie usée plus ou moins vite ne donne pas la mesure exacte de la peine, on ne saurait contester qu’elle en soit un indice approximatif.

Tel qu’il est et sans correction, cet indice permettrait de placer la métallurgie, sous le rapport de la peine qu’exige le travail. entre les mines de houille et les verreries, d’une part, les tissages, de l’autre : métier plus dur, en somme, que celui du tisseur, moins dur que ceux du mineur et du verrier. Et, si l’on n’oublie point que, dans ce métier même, le travail le plus dur est le travail au feu, si l’on observe qu’à quantités égales ou comparables entre les catégories ou spécialités, on trouve beaucoup moins d’ouvriers ayant dépassé soixante ans là où le travail doit se faire à chaud que là où il se fait à froid ; si l’on complète cette observation en notant que le travail est en outre d’autant plus dur que l’effort musculaire est plus violent et l’action au feu plus rapide[1], on saura à peu près tout ce qu’il importe et tout ce qu’il est possible de savoir de la peine du travail dans la métallurgie et dans les différentes catégories ou spécialités de la métallurgie.

Non pas tout cependant, car il est essentiel, après avoir essayé de la mesurer en elle-même, de mesurer le salaire qui l’achète et qu’elle achète, par l’appât de quoi elle est imposée et pour l’achat de quoi elle est supportée.

  1. Nous avons toutes facilités pour faire cette observation sur les 2534 ouvriers de l’usine C. Cette usine emploie 17 fondeurs ; aucun n’est âgé de plus de 53 ans : des 54 forgeurs et des 58 lamineurs, en tout 112, il y en a 2 âgés de plus de 63 ans ; aucun au-dessus de 68 ans. — Les machinistes et chauffeurs, qui travaillent, eux aussi, au feu, mais plus lentement et, pour ainsi dire, à leur aise, s’usent ; moins vite. Sur 224 machinistes en tout, 10 ont de 53 à 58 ans ; 7 de 58 à 68 ans 7 de 63 à 68 ans ; 3 de 68 à 73 ans ; et sur 139 chauffeurs : 5 de 53 à 58 ans ; 4 de 58 à 63 ans ; 4 de 63 à 68 ans ; 2 de 68 à 73 ans.