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un organisme pourvu de toutes ses fonctions. Sur ce groupement primordial, créé en vue de défendre les intérêts professionnels, au premier rang desquels on doit placer les questions de salaires, d’heures et d’organisation du travail, nous voulons voir se greffer toutes les œuvres propres à assurer le bien-être moral et matériel du travailleur, c’est-à-dire les institutions de prévoyance, de crédit et de coopération. Ce sera d’abord un moyen d’attirer l’ouvrier que de lui montrer un intérêt personnel, immédiat et permanent attaché à son affiliation à un. syndicat, et l’on cite mainte importante association de ce genre, soit à l’étranger, soit en France, dont l’origine est due précisément à la fondation d’un premier noyau sous la forme d’œuvre de prévoyance. Notons en passant l’économie qui devra en résulter, entraînant avec elle la réduction du montant des cotisations, si l’on arrive à fusionner personnel et locaux servant aux diverses institutions syndicales.

Quand, d’autre part, les membres de l’association en dirigeront eux-mêmes les diverses branches, lorsqu’on aura chargé de cette mission précisément les plus intelligens et les plus sérieux d’entre les travailleurs, que ces élus auront conscience de leur responsabilité et auront acquis, par leurs fonctions, une autorité légitime, ils ne manqueront pas d’être écoutés de préférence aux agitateurs. Les questions de politique pure laisseront de plus en plus indifférentes les associations professionnelles, et celles-ci ne risqueront plus la lutte avec le patronat que pour maintenir des revendications justifiées. Ainsi mettront-elles l’opinion publique de leur côté. Un jour même pourra arriver où les syndicats achèveront de dissiper tout soupçon de tendance révolutionnaire : ce sera quand, conformément à plusieurs projets de loi déposés sur le bureau des Chambres et non encore votés, ils auront obtenu la personnalité civile complète et la capacité commerciale. Le syndicat ouvrier possédant et accroissant un capital, disposant à l’occasion d’un cautionnement, reconnu capable d’intervenir pour la conclusion de contrats collectifs, le syndicat assagi, cherchant à éviter les conflits avec le patronat et à traiter aimablement avec lui, c’est peut-être un lointain idéal, mais cela ne se comprend que si, dans son sein, fleurissent les institutions propres à relever la condition intellectuelle, morale et matérielle du travailleur.

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