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appuis. Le temps n’est pas encore si loin où l’excellent Dick, déjà premier ministre, voulant obliger le gouverneur, lord Glasgow, à nommer membres du Conseil législatif (ou Sénat) certains agitateurs ouvriers, et rencontrant quelque résistance, déclarait tout de go, aux applaudissemens de son parti « qu’une pareille attitude affaiblissait les liens qui unissent la colonie à l’Angleterre. » A la première velléité d’ingérence du dehors, — et n’y en aurait-il pas nécessairement si le conseil fédéral rêvé par M. Seddon se constituait ? — notre homme tiendrait de nouveau le même langage et se transformerait peut-être en champion du séparatisme.

C’est en Australie toutefois qu’ont eu lieu, depuis la conférence, les faits qui caractérisent le mieux l’attitude des colonies envers l’impérialisme. On sait l’exclusivisme du parti ouvrier australien, dont la puissance est d’autant plus grande qu’il peut à son gré faire passer la majorité parlementaire des libre-échangistes aux protectionnistes, qui se disputent le pouvoir dans les Chambres du Commonwealth. Il ne se contente pas de vouloir une « Australie blanche » et, pour réaliser cet idéal, d’expulser les engagés polynésiens qui cultivent les plantations de cannes du Queensland, quitte à ruiner cette colonie où le climat tropical ne permet pas aux blancs le travail de la terre ; de protester aussi contre l’emploi sur les navires de la Péninsulaire et Orientale des lascars hindous : il veut l’Australie aux Australiens, la considère comme un monopole pour ceux qui l’habitent déjà et a fait voter des lois draconiennes contre l’immigration des Européens, sujets britanniques compris. Un incident, banal par lui-même, de l’application de ces lois a fait scandale jusqu’en Angleterre au mois de décembre dernier : six ouvriers chapeliers anglais se sont vu refuser le droit de débarquer à Sydney, sous prétexte qu’ils étaient engagés d’avance dans un atelier et que la loi interdit l’entrée de personnes ayant signé un contrat de travail. Ainsi, une loi de l’Australie permet d’en exclure des citoyens anglais sans qu’il soit allégué contre eux aucune tare physique ou morale : voilà comment agit cette colonie, dont les représentans à la conférence avaient pourtant voté une motion de M. Seddon, demandant que les membres des professions libérales et scientifiques (médecins, avocats et autres), ayant satisfait aux conditions exigées pour l’exercice de leur profession en un pays quelconque de l’Empire, eussent le droit, par cela même,