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L’erreur de Brachet a été de vouloir faire deux choses à la fois, — je pourrais même dire trois, — et de la multiplicité de ses observations enrichir à la fois l’histoire générale et l’histoire de la « pathologie médiévale. » Mais l’histoire de la « pathologie médiévale » a-t-elle un intérêt en soi, je veux dire un intérêt qui soit indépendant du secours ou des éclaircissemens qu’elle apporte à l’histoire générale ? Je n’oserais en répondre. Qu’est-ce que cela nous fait qu’il y ait au XIVe siècle de « bons exemples » d’angine de poitrine ou de tuberculose pulmonaire ? Considérée de ce point de vue, — et, si je puis ainsi dire, en dehors des malades que la tuberculose ou l’angine ont emportés, — « l’histoire de la pathologie » ne me parait guère avoir plus d’intérêt que l’histoire de la médecine, laquelle, en vérité, n’en a pas plus que l’histoire de l’alchimie. Telle n’était pas l’opinion de Brachet. La pathologie médiévale en soi l’intéressait ; elle l’intéressait même plus que l’histoire ; et la preuve en est qu’en 1896, c’est à l’Académie de médecine qu’il avait soumis la première édition ou la première version de son livre. Mais il aurait fallu qu’il sût choisir entre ces trois desseins : — ou de soumettre systématiquement les conclusions des historiens au contrôle de la critique médicale ; — ou de constituer la « pathologie historique » en tant que science nouvelle ; — ou d’acheminer enfin cette énorme collection de faits et de textes vers la recherche et la détermination des lois de l’hérédité.

Pour nous, c’est, de ces trois intentions, la dernière qui nous eût semblé la plus intéressante à poursuivre et à réaliser. « Que donneront nos recherches ainsi faites ? écrivait Brachet lui-même, aux dernières lignes de son Introduction. Nous révéleront-elles les lois de l’hérédité ? Nous l’ignorons. En tout cas, c’est la seule voie scientifique à suivre, et, si nous découvrons quelque chose sur l’hérédité, ce sera par cette seule route. En tout cas, négatif ou positif, le résultat sera autrement certain qu’avec les affirmations aprioristiques des philosophes et les synthèses prématurées des médecins aliénistes. » Nous partageons absolument son avis, et, pour le dire en passant, rien n’est plus extraordinaire, nous voulons dire plus injustifié, que l’autorité que l’on a longtemps accordée, dans cette question de l’hérédité, et que nous voyons que l’on accorde souvent encore aux médecins aliénistes. Moreau (de Tours) ou Lombroso.

Et c’est pourquoi, ni les défaillances, ou plutôt la déviation de la méthode, ni les vices de l’exécution, ne sauraient nous rendre aveugles aux mérites éminens de ce livre. La « pathologie historique » n’est pas, et ne sera sans doute jamais une « science ; » ou, si l’on le veut