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puissance l’engage dans une négociation sur des bases plus favorables pour lui, ni l’Angleterre, ni la Russie n’y seront tenues définitivement, car elles se promettent de ne traiter de la paix que « du consentement commun » et dans un congrès[1].

C’est en vue de ce congrès que les alliés ajoutent ce commentaire : « Ces points ne sauraient être pleinement obtenus tant que les limites de la France ne seront pas bornées à la Moselle et au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées. » Ainsi, les ci-devant Pays-Bas autrichiens, la Belgique, « en tout ou en partie, » seront réunis à la Hollande, qui s’étendra jusqu’à l’Escaut, possédera Anvers et formera une monarchie puissante avec une ligne de forteresses. La République helvétique sera augmentée de Genève et de la Savoie ; le Piémont le sera de la République italienne jusqu’au Pô, de Parme et de Plaisance, de Gênes ou tous autres territoires que l’on jugera opportun de lui attribuer. Les pays ci-devant prussiens de la rive gauche du Rhin seront restitués à la Prusse avec un arrondissement « qui pourrait même s’étendre jusqu’à la frontière qui serait laissée à la France du côté des Pays-Bas, » moyennant que la Prusse contribuerait à former une barrière « au débordement de la puissance française. » Ainsi enserrée, la France ne conserverait tout au plus, de ses conquêtes, que la ligne de l’Escaut au nord, et, à l’est, peut-être, le pays entre Rhin et Moselle. Quant à la République italienne, dépecée déjà au profit du Piémont, les alliés consentiraient à en composer un royaume pour un des frères de Napoléon, pourvu que l’Etat ainsi réduit jouît d’une indépendance absolue et ne pût jamais être réuni à la France[2].

Donc on n’exigera pour entrée de jeu et pour amorcer les négociations que l’évacuation de l’Allemagne, de l’Italie, de la Hollande et de la Suisse, c’est-à-dire de l’excédent et de l’excès qu’en France même nombre de personnes jugent dangereux et inutile. La négociation entamée de la sorte et l’opinion en France gagnée par la « modération des alliés, » on découvrira, par gradations, selon le progrès des affaires, selon le possible, les prétentions, jusqu’à la dernière : « les anciennes limites ou toutes autres qui paraîtront convenir le mieux. » Les conditions ostensibles semblent conserver à la France les limites naturelles, celles

  1. Article VI patent, article VI secret du traité du 11 avril 1805.
  2. Bases de pacification arrêtées entre la Russie et l’Angleterre, 11 avril 1805 ; Martens, t. II.