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que Galien croyait être conduit au rein et éliminé par cet émonctoire. — Les troubles de ce fonctionnement imaginaire produisaient une infinité de maladies, la pléthore, l’anémie, la cachexie, l’hydropisie : la bile jaune était responsable des affections aiguës ; la bile noire, l’atrabile, était la source d’un grand nombre d’affections chroniques, des troubles intellectuels, de l’hypocondrie, de la mélancolie, de l’hystérie, de l’apoplexie et des convulsions.

Nouvelle chimère : outre cette fonction si importante d’élaboration alimentaire définitive, de sanguification, Galien attribuait au foie un rôle capital dans la distribution du sang. Les anciens ne connaissaient point le mouvement circulaire du sang ; ils imaginaient que le sang artériel ou hématisé restait enfermé dans le réseau des artères ou arbre artériel ; que le sang fabriqué par le foie restait dans le réseau des veines ou arbre veineux ; et que l’un comme l’autre ne pouvaient qu’osciller de la racine au faite, dans le système de conduits ramifiés où il était emprisonné. Galien, comme Aristote, comparait ce prétendu mouvement de va-et-vient au flot alternatif de l’Euripe, c’est-à-dire au flux et au reflux de l’étroit canal qui séparait l’île d’Eubée de l’Attique et de la Béotie. Le foie était donc le point de départ, le principe de toutes les veines, comme le cœur était le principe des artères et le cerveau le principe des nerfs.

La découverte de Harvey fit justice de toutes ces chimères : et il n’en subsiste plus que cette vérité de fait que le foie possède une irrigation sanguine extrêmement riche qui lui vient de deux sources. Il reçoit, par la veine-porte, le sang veineux qui sort de la rate et presque tout celui qui sort de l’intestin, et c’est sur ces matériaux que s’exerce son activité fonctionnelle. Il reçoit, par l’artère hépatique, le sang artériel qui nourrit son tissu et en entretient la vitalité. De telle sorte que les physiologistes contemporains ont pu réussir à atténuer considérablement les fonctions du foie sans supprimer du coup sa vitalité : il leur a suffi de détourner de lui le sang de la veine-porte, en lui conservant l’afflux de l’artère hépatique. L’organe, ainsi coupé d’une partie de ses communications vasculaires avec le reste de l’économie, continue à vivre et l’animal peut subsister pendant un certain temps. Cette expérience, qui a eu beaucoup de retentissement et qui a fourni des renseignemens précieux à la physiologie, a été réalisée pour la première fois par Eck en 1887. L’opération porte le nom de « fistule de Eck. » Elle consiste à aboucher la veine-porte dans la veine-cave, de manière à éviter au sang de l’intestin et de la rate le détour qu’il fait normalement à travers le foie. Mais, si l’artère