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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre.


Le temps passe vite, et lorsque nous avons à rendre compte d’incidens qui datent déjà de quinze jours, nous nous apercevons qu’ils ont vieilli. Leur intérêt commence à s’émousser, et ce que nous pourrions en dire aujourd’hui ne lui rendrait pas sa vivacité première. L’inauguration de la statue de Renan à Tréguier a servi de prétexte à des manifestations politiques dont l’illustre écrivain n’aurait été, croyons-nous, qu’à demi flatté. Il était sensible à la faveur populaire, bien qu’il ne fût à aucun degré démocrate. L’encens, même un peu lourdement offert, n’en est pas moins de l’encens, et sa délicatesse n’y restait pas indifférente. Il savait d’ailleurs que les religions viennent du peuple et non pas des académies, et l’hommage des humbles avait du prix à ses yeux. À une condition toutefois, c’est que tout cela fût vraiment pour lui.

Or, à Tréguier, il y a quinze jours, il était trop évident que Renan n’était que le prétexte de la manifestation : les véritables héros en étaient M. Combes et ses collègues. Cela ne lui aurait pas plu. Beaucoup d’autres choses, qui se sont étalées au grand jour à cette occasion, auraient, s’il avait pu les voir, amené sur ses lèvres un sourire de pitié. S’il était sincère, comme nous n’en doutons pas, lorsqu’il a écrit quelques-unes de ses plus belles pages, il était resté, sinon tout à fait respectueux, au moins affectueux à l’égard de la religion dont il s’était séparé. L’idée de faire de sa statue une protestation arrogante et agressive, plantée en face même de la petite église où son enfance avait rêvé ses premiers rêves, lui aurait semblé une faute de goût, commise non seulement contre le catholicisme, mais contre