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XVIIe et du XVIIIe siècle les mêmes plaintes se répondent. Et notez que les reproches qu’on adresse alors à l’enseignement diffèrent à peine de ceux qu’on trouve sous la plume de nos modernes publicistes : surcharge des programmes, encombrement des classes, surmenage, inutilité, frivolité d’un enseignement tout verbal et formel. Pour nous dispenser d’une longue énumération, il nous suffira peut-être de citer une opinion qui en résume plusieurs autres. « La manière dont la jeunesse est instruite dans les collèges de l’Université laisse à désirer ; les écoliers y apprennent tout au plus un peu de latin ; mais ils ignorent l’histoire, la géographie et la plupart des sciences qui servent dans le commerce de la vie. » Celui qui exprimait ainsi par avance les desiderata des plus réalistes de nos réformateurs est un personnage dont ils n’ont guère coutume de se recommander, puisque c’est Louis XIV. Comme l’enseignement classique n’a cessé d’être attaqué par ceux-là mêmes aux besoins et aux goûts de qui il nous semble aujourd’hui qu’il fût exactement adapté, nul doute que l’enseignement nouveau, tel qu’il sortira des réformes actuelles, ne soulève de violentes critiques parmi ceux dont on souhaitait le plus vivement l’approbation. C’est une loi que, dans tous les temps et dans tous les pays, on fasse son procès à l’enseignement : la raison en est toute simple : si contens que nous soyons de nous, il nous faut bien constater que nous sommes un peu plus ignorans que nous ne voudrions ; au lieu de nous en prendre à nous-mêmes, nous accusons nos maîtres.

Quel est pourtant le grand argument sous le poids duquel on accable l’enseignement secondaire ? On déclare qu’il n’est pas approprié à la vie moderne. Dans une société où, depuis cent ans, toutes les conditions ont changé, il est inadmissible que l’enseignement lui seul reste immuable. « L’enseignement secondaire est un enseignement d’ancien régime ; » telle est l’objection fondamentale ou, pour mieux dire, l’unique objection qu’on invoque contre lui. Chez plusieurs, elle ne traduit qu’un sentiment de bas fanatisme, à savoir que l’enseignement secondaire est accessible surtout à la classe bourgeoise et que cette classe est l’ennemie. A ceux-là, bien entendu, nous n’essaierons pas de répondre. Il va sans dire que, dans l’esprit des professeurs de l’Université, l’objection prend un tout autre caractère. Ils sont très justement frappés de la nécessité qu’il y a à mettre en harmonie toutes les institutions d’un pays. Ils comprennent bien que le but de l’éducation doit être de fournir à ce pays les hommes dont il a besoin. Il est incontestable qu’aujourd’hui plus qu’au temps où le mot célèbre fut prononcé, « la démocratie coule à pleins bords ; » notre