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destinés, d’après lui, à justifier la théorie du moi subliminal, mais qui, quand on les sépare de cette théorie incompréhensible, semblent plutôt ne pouvoir servir qu’à railler, en se dérobant à lui ou en le contredisant, le patient travail d’induction de la psychologie. Un répertoire de l’anomalie psychologique sous toutes ses formes : voilà ce qu’est le livre de Myers, voilà ce que sans doute ses lecteurs anglais voient, dès maintenant, et verront toujours en lui, autant et plus qu’une démonstration scientifique de la vie future.

Encore la façon dont j’ai présenté, tout à l’heure, une catégorie particulière de ces anomalies serait-elle pour donner une idée inexacte de ce qui constitue peut-être leur principale originalité. En vain Myers s’efforce-t-il de classer, d’assembler sous une même rubrique, des faits de double personnalité, de rêves prémonitoires, de double vue, de messages médiumnitiques, etc. : pas un de ces faits ne ressemble aux autres, ne présente les caractères généraux que présentent les autres, ne se laisse expliquer d’accord avec les autres. Des vingt personnes qui, dans les conditions rigoureusement contrôlées et vérifiées que j’ai dites, ont vu apparaître l’image d’un ami mourant, les unes ont vu cette image la veille de la mort, d’autres à l’instant de la mort, d’autres plusieurs jours après. Se refuser d’avance à croire aucun d’eux, sous prétexte que de tels faits ne rentrent sous aucune des lois admises jusqu’à présent par la science, c’est peut-être pousser trop loin le scepticisme, ou la crédulité : mais on dirait vraiment, d’autre part, que ces faits s’amusent tout exprès à revêtir une variété d’aspects indéfinie, de façon à ne nous permettre jamais de les ranger sous des lois. C’est, au reste, exactement, l’aventure qui arrive depuis une vingtaine d’années aux savans qui ont eu la hardiesse d’aborder loyalement l’étude des « phénomènes psychiques » au lieu de se borner à en nier, une fois pour toutes, la possibilité. Tous, de même que Myers et ses amis anglais, ils ont commencé par n’admettre comme réels et scientifiques que les faits élémentaires d’hypnotisme et de suggestion ; mais, pendant que les uns s’arrêtaient là, d’autres se voyaient amenés à admettre aussi la réalité scientifique de la suggestion à distance ; après quoi venait celle de formes plus singulières encore de la télépathie ; et les voici maintenant, avec Myers et Gurney, avec les Américains James et Hodgson, qui s’efforcent d’établir les lois scientifiques de l’autre monde, et de soumettre à l’appareil de la méthode expérimentale les communications réciproques des âmes « incarnées » et « désincarnées ! »

Et tout porte à supposer que la science, tôt ou tard, finira par avoir