Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans un ménage bien uni, a-t-il dit, et où la confiance est réciproque, le mari n’éprouve aucune inquiétude en voyant sa femme faire un tour de valse avec un tiers. L’apologue était spirituel : peut-être même l’était-il trop. Suffirait-il aujourd’hui à caractériser ce qui se passe ? La femme, — nous nous excusons auprès de l’Italie de prolonger une comparaison dont nous ne sommes pas l’inventeur, — après avoir fait un tour de valse avec un tiers, qui sans doute ne lui a pas déplu, entre décidément en relations avec lui et va lui faire publiquement visite. On ne fera croire à personne que cela ne signifie rien. Lorsqu’un fait qui semblait tout à fait impossible il y a peu d’années encore vient à se produire, il faut bien admettre que ce changement ne s’est pas produit sans raisons. Les raisons, cette fois, sont d’origine lointaine, et profondes : elles n’en ont que plus de prise sur le présent et sur l’avenir.

Au moment où nous écrivons, le Roi et la Reine arrivent à Paris, et tout est prêt pour les y recevoir. Ils apprécieront, nous n’en doutons pas, avant toutes choses, l’unanimité du sentiment qui s’est manifesté dans l’opinion. Les querelles de partis se sont tues. Nous voyons dans le roi Victor-Emmanuel le représentant d’une nation amie, dont l’histoire s’est souvent et glorieusement confondue avec la nôtre, qui est de même race que nous et de même génie. Dans l’œuvre générale de la civilisation, la France et l’Italie se sont presque constamment prêté un concours réciproque. Il serait impossible de dire quelle est celle de ces deux nations qui doit le plus à l’autre ; mais il est sûr qu’elles se doivent réciproquement beaucoup, et leur rayonnement à travers le monde n’a jamais été plus vif que lorsqu’il est parti d’un foyer qui leur était commun. Sans parler de nos espérances, de grands souvenirs servent en quelque sorte de cortège aux souverains italiens parmi nous, et c’est ce qui donne à la visite qu’ils veulent bien nous faire un éclat tout particulier.


Nous n’avons pas parlé, il y a quinze jours, des affaires d’Orient, parce qu’elles ne présentaient, en somme, aucun caractère nouveau, et qu’elles restaient toujours très obscures. Elles ne le sont pas moins aujourd’hui ; on n’y voit pas beaucoup plus clair dans les vallées des Balkans : toutefois la rencontre récente de l’empereur de Russie et de l’empereur d’Autriche, les quelques jours qu’ils ont passés ensemble et qui n’ont pas été consacrés exclusivement à la chasse, les conversations qui ont eu lieu entre leurs ministres des Affaires étrangères qui ne les avaient pas suivis pour rien, enfin la