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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/225

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beaucoup mieux ; nous ne faisons que les soupçonner ; nous savons seulement qu’elles aboutissent, à une mise en réserve de divers matériaux, et qu’ainsi le foie est constitué à l’état de véritable grenier d’abondance, ou d’entrepôt général de l’organisme.

Mais cette spécialisation n’est pas complète. Cette division du travail n’est pas absolue et rigide. Le rôle digestif n’est pas tout entier, accaparé par le pancréas. — Il en subsiste un petit reste dans l’organe hépatique lui-même. La sécrétion biliaire déversée dans l’intestin neutralise l’acidité du chyme et concourt à constituer un milieu alcalin favorable à la digestion. On ne conteste plus, d’autre part, depuis Claude Bernard, qu’elle ait un rôle dans la digestion des graisses.

Il subsiste une part plus importante de ce pouvoir digestif dans l’intestin lui-même. On savait déjà que le ferment transformateur du sucre ordinaire était une production de l’intestin grêle (ferment inversif, sucrase). Weinland et Portier ont signalé en ces dernières années, dans le même suc intestinal, le ferment d’un autre sucre, non moins répandu dans l’alimentation, le sucre de lait : ce ferment est la lactase. Mais surtout les beaux travaux de Pawlow, et de ses élèves sur les kinases, complétés par ceux de Delezenne et par les observations d’Hamburger, de Stassano et d’autres physiologistes que nous ne voulons pas nommer, ont encore réduit le rôle attribué au pancréas au profit de celui du tube intestinal lui-même. C’est là une notion toute récente. — La signification de toutes ces recherches, au point de vue qui nous occupe, est de montrer que, même chez les mammifères, la spécialisation des fonctions de digestion, d’absorption et de transmutation consécutive n’est pas aussi absolue que l’on avait été tenté de le croire.

Si l’on quitte les mammifères et que l’on descende l’échelle animale, c’est bien autre chose. La division ternaire du travail devient de moins en moins marquée. Le foie accapare tout : d’abord le rôle du pancréas qui disparaît, puis celui de l’intestin. Il est tout à la fois digestif, absorbant, transmutateur et entrepositaire. La centralisation se fait, chez la plupart des invertébrés, au profit de l’organe hépatique ; le pancréas n’existe pas : l’intestin, dépossédé, n’est plus qu’un conduit inerte. Cette modification se fait par degrés. Chez les poissons, le foie assume déjà la fonction pancréatique ; chez les mollusques, nous allons le voir absorber la fonction intestinale. — Le foie aura tout tiré à lui.