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III

La fonction digestive du foie, très peu distincte chez l’homme et les vertébrés supérieurs, devient très nette chez la plupart des invertébrés. La sécrétion hépatique, chez ceux-ci, déverse dans l’intestin les mêmes fermens digestifs des alimens azotés, féculens ou gras, que le suc pancréatique y amène chez les mammifères. Le foie est en même temps un pancréas. On lui a donné, à cause de cela même, le nom d’hépato-pancréas. Pour les mollusques ou les crustacés, on n’emploie plus l’appellation de foie : on dit « l’hépato-pancréas. » Cette débaptisation ne s’impose pas absolument ; car, si l’on veut être tout à fait exact, il faut tenir compte de ce que, chez ces animaux, l’organe hépatique n’englobe pas seulement le pancréas, mais qu’il représente aussi l’intestin lui-même dont il possède la faculté absorbante. Le nom correct serait entéro-hépato-pancréas. Il vaut mieux éviter cette appellation barbare et se contenter du nom usuel.

Il y a quelque vingt-cinq ans que l’attention des naturalistes a été attirée sur ce point par les recherches de Léon Fredericq, l’éminent professeur de l’Université de Liège, et par celles du naturaliste allemand Krukenberg, qui essayait alors, à Heidelberg, à Trieste ou à Naples d’orienter les études zoologiques dans la direction de la physiologie comparée. L’un et l’autre avaient rencontré dans le foie des mollusques céphalopodes, tels que le poulpe et la seiche, ou des Gastéropodes, tels que l’escargot et la limace, le ferment des alimens azotés qui équivaut à celui du pancréas des vertébrés, c’est-à-dire la trypsine.

Cette observation amenait naturellement à l’idée d’un organe double, en même temps pancréas et foie. Mais cette conception d’un hépato-pancréas ne reçut une expression concrète et définitive que trois ans plus tard, en 1881, lorsque l’anatomiste Vigelius eut retrouvé dans le foie de la seiche et des céphalopodes di-branchiaux des glandules pseudo-pancréatiques noyées en quelque sorte dans le parenchyme hépatique. Cette observation donnait une sorte de consécration anatomique à l’idée d’une glande double hépato-pancréatique. A peu près vers le même temps, en 1881 et 1882, Bourquelot signalait une seconde analogie. Il recueillait, chez les poulpes, le suc pur du foie en plaçant une canule dans les conduits excréteurs : il y reconnaissait la présence d’une amylase qui digère les matières amylacées comme fait l’amylase pancréatique. Une troisième ressemblance était