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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/228

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peut tirer bon parti de sa nourriture végétale. L’escargot ne digère pas, sans doute, le papier ou l’ouate-coton qui sont des variétés particulières de la cellulose pure ; mais il en utilise d’autres formes, le squelette des feuilles, la charpente des graines, les membranes cellulaires. Il serait parfaitement en état d’utiliser, au besoin, le noyau de la datte ou le grain du café, si l’occasion lui en était fournie.


IV

Le foie de beaucoup d’invertébrés exerce donc — et pleinement — l’office d’un véritable pancréas ; mais il remplit, en outre, la plus importante des fonctions dévolues à l’intestin des animaux supérieurs : nous voulons parler de l’absorption. La « fonction absorbante » est encore une des fonctions méconnues du foie.

Ce n’est pas tout de digérer, il faut absorber. Il faut que l’aliment, convenablement transformé, fasse effraction dans le barrage que lui oppose le revêtement intestinal ; qu’il s’insinue entre les cellules ou qu’il les transperce ; et finalement qu’il pénètre à l’intérieur de l’organisme, dans les tissus, dans les vaisseaux sanguins ou chylifères. Il n’est pas besoin de rappeler le mécanisme de cette absorption chez les vertébrés : la surface de la muqueuse intestinale, considérablement augmentée par de nombreux replis, saillies et villosités, y pourvoit.

Chez les Invertébrés, l’intestin offre peu de développement superficiel : il est court et sans lacets ; son revêtement peut être imperméabilisé en grande partie par un dépôt chitineux, comme il arrive chez les crustacés ; bref, la surface absorbante risquerait d’être insuffisante pour l’absorption. L’intervention du foie pare à ce danger.

Le foie, chez les vers, forme, comme nous l’avons dit, des dépressions, des culs-de-sac tubuleux, des cæcums. Il était naturel de penser que l’office principal de ces organes énigmatiques était de faciliter l’absorption ; et les zoologistes d’autrefois pensaient ainsi, en effet. On ne tarda pas à s’apercevoir pourtant, que ces tubes caecaux jouaient un autre rôle, non moins important, celui d’organes sécréteurs, de glandes hépatiques, de foie. Krukenberg, en 1882, mit en lumière ce caractère nouveau et il le jugea incompatible avec le précédent. Il crut qu’un organe ne pouvait être, à la fois, sécréteur et absorbant. Il nia la faculté d’absorption des cæcums intestinaux chez les grandes Annelides, les Aphrodites, prises pour exemple. J. -G. Darboux n’a pas vu en effet de granulations alimentaires dans le fond des culs-de-sac