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rendraient responsable s’ils étaient sûrs de son existence, Dieu a mis la liberté. M. Chaumié, bien qu’il s’en défie quelque peu, la respecte dans le domaine de l’enseignement ; M. Clemenceau également ; mais M. Béraud n’en veut plus. Sur tous ces points, on est à peu près fixé. Il n’y en a qu’un sur lequel la pensée hésite et se trouble : que pense M. Combes ? Il a contresigné autrefois le projet Chaumié ; mais bien des choses se sont déjà passées depuis lors ! La campagne des radicaux-socialistes a continué comme si le projet Chaumié n’existait pas ; la commission du Sénat l’a écarté et lui en a préféré un autre qui en est l’antithèse. Qui sait si tout cela n’a pas modifié l’opinion de M. Combes, qui a l’habitude de tourner à tous les vents de la majorité, et qui même s’en est fait une loi ?

On espérait l’apprendre le jeudi 5 novembre, le Sénat ayant mis à son ordre du jour pour cette date la discussion du rapport de M. Thézard. Rendez-vous avait été pris ; on se préparait de part et d’autre à l’attaque ou à la défense ; mais, à dire vrai, la question en cause a été tellement rebattue qu’on ne s’attendait pas à en voir surgir des argumens bien nouveaux. Ce qui était attendu avec curiosité, c’était le discours de M. Combes ; encore quelques jours, et on serait fixé. Cette espérance s’est évanouie comme ces mirages qui se dissipent pour se reformer vaguement un peu plus loin. Le bruit s’est répandu tout d’un coup que M. Combes était allé au Sénat, et que, dans une conversation familière avec ses fidèles, il les avait mis en garde contre le danger qu’il y aurait pour eux à entamer un débat aussi grave, aussi redoutable, même, sans être tout à fait d’accord sur la solution à lui donner. Or ils ne le sont pas : peut-être l’ignoraient-ils, mais M. Combes le leur a appris, et leur a conseillé en conséquence de se réunir et de s’entendre. En même temps, des propositions nouvelles étaient déposées sous forme d’amendemens ou de contre-projets, et on demandait à la commission d’en délibérer. Un ajournement s’imposait. Pour le rendre tout à fait inévitable, une nouvelle idée est venue, on ne sait d’où, à l’esprit de la majorité, non plus de celle du Sénat, mais de celle de la Chambre, à savoir qu’il conviendrait de réunir les représentans de tous les groupes ministériels dans les deux assemblées, et de les mettre aux prises avec le grand problème que MM. Chaumié et Thézard ont résolu différemment. On créerait ainsi une réduction, un diminutif du parlement, qui ne ressemblerait d’ailleurs pas au véritable, puisqu’on en aurait éliminé tous les élémens d’opposition, et, dans ce parlement mutilé et faussé, on prendrait des décisions que la majorité, toujours docile et au besoin intimidée,