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Limoges, le 22 juillet 1681, — examinez avec soin tous tes moyens possibles pour ôter cette manière de lever la taille, qui est assurément fort à charge aux peuples, et tâchez de remettre en usage les contraintes des huissiers et sergens de taille… » Et, le 12 août 1683, à Poncet : « Vous devez empêcher les collecteurs de Tonnay-Charente d’envoyer quérir des soldats à Brouage pour le payement de la taille… » Vains efforts. On ne guérit pas les effets du mal, quand on en conserve la cause ; et le mal, — mal incurable, — de l’impôt sur le revenu est en lui-même, dans son propre principe.

Pourquoi ?

Pour cent raisons, tirées de la nature des choses, du cœur et de l’esprit des hommes, et qui, en définitive, se résument en quatre mots. C’est que l’impôt sur le revenu est l’impôt établi arbitrairement par le fonctionnaire sur chaque contribuable individuellement considéré, au lieu d’être l’impôt établi par la loi, en vertu d’une formule universelle, uniforme, s’appliquant mathématiquement envers tout le monde sans distinction.

Et alors c’est la fantaisie, la haine, la vengeance, la faveur, d’homme à homme, de partis à partis — au lieu de la règle uniforme, impartiale parce que impersonnelle comme une formule algébrique ; — c’est l’agent du fisc, c’est un homme, quel qu’il soit, qui détermine la somme à payer, prend chaque citoyen à partie, face à face, et lui dit : « Toi, j’estime que tu possèdes tant de revenu, sous diverses formes, et par conséquent tu payeras l’impôt de tant pour cent sur ce total de tes revenus ! »

Qui n’aperçoit l’arbitraire absolu, irrémédiable, invincible de ce système ? En vain a-t-on cherché, en vain cherchera-t-on des combinaisons, des palliatifs, des contrôles ; on n’en peut trouver. C’est impossible. Il faudrait changer l’homme en ange, et nous ne paraissons guère y travailler !

En tout pays, en tout temps, sous tous les régimes, l’impôt sur le revenu, quelque nom qu’il ait porté, a produit ses inévitables et fatales conséquences. Personne n’en a souffert plus que la France, parce qu’aucun peuple ne l’a supporté aussi longtemps. Aussi l’explosion de la fureur populaire fut-elle terrible autant que soudaine, ainsi qu’il arrive toujours après une longue compression.

J’ai parlé de Colbert, des contrôleurs généraux, des