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Nous sommes profondément convaincu que la même victoire de la raison et du bon sens sur tant de pré jugés et de malentendus assurera, dans un avenir prochain, la neutralisation des petits États. Il suffit de se rappeler certains faits qui concernent les États neutralisés depuis nombre d’années pour être persuadé de la valeur pratique de cette combinaison qui, sans heurter l’intérêt des autres États, garantit une vie pacifique aux nations dont la neutralité perpétuelle devient elle-même pour toutes les nations une garantie de sécurité commune.

La neutralité de la Suisse est assise depuis plus d’un siècle sur des bases solides et inébranlables. Le congrès de Vienne la proclama, après que les puissances alliées contre Napoléon eurent déclaré dans le traité de Paris de 1815 que « la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse, ainsi que son indépendance de toute influence étrangère, est conforme aux véritables intérêts de la politique européenne. » L’empereur Alexandre Ier de Russie, par respect pour son professeur Laharpe et par fidélité à la parole donnée, prit la Suisse sous sa haute protection et défendit ses intérêts avec énergie et succès. Depuis 1815, cette neutralité perpétuelle de la Suisse a été scrupuleusement observée pendant toutes les guerres du siècle dernier, malgré les dangers que présentaient les opérations militaires des grandes puissances belligérantes dans son plus proche voisinage.

Ce serait pourtant une erreur de prétendre que l’Europe ait, en 1815, « fait cadeau » à la Suisse de sa neutralité perpétuelle. Les transactions diplomatiques les plus heureuses ne sont généralement que la résultante des forces naturelles, géographiques, économiques et historiques, par lesquelles se développent les nations. Les conditions géographiques et historiques ont plus contribué à la création de la Suisse neutralisée que toutes les transactions diplomatiques, conclues à son profit. C’est ainsi que déjà, en 1521, la Suisse avait signé un traité de paix perpétuelle avec la France qui devait lui garantir une neutralité permanente. Elle n’en avait pas moins continué de conclure avec les différens États voisins des capitulations militaires, en vertu desquelles elle s’engageait à leur fournir des soldats, à la condition expresse de rester neutre en tant que nation et de ne pas prendre part aux hostilités.

Apres le congrès de Westphalie, qui proclama l’indépendance internationale de la Suisse, ce pays a constamment cherché à se