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retranché à Belfort, « il tourne son attention vers la conservation d’Huningue, et ravive dans cette ville les couleurs et les signes sensibles d’un patriotisme qui s’éteignait aux yeux ainsi que dans les cœurs. » Dans tout le département, il prend des mesures pour l’élever au niveau de la République. « L’esprit public était entièrement corrompu. Partout des intelligences avec l’ennemi, l’aristocratie, le fanatisme, le mépris des assignats, l’agiotage et l’inexécution des lois. » Il combat tous ces fléaux, casse les autorités, les comités de surveillance, installe partout « de bons sans-culottes ; » il crée un Comité d’activité révolutionnaire, le place sous la surveillance du peuple, — un tribunal révolutionnaire, « qui mettra le pays à la raison ; » — il supprime aux façades des maisons les images de la Vierge et des saints, les croix dans les cimetières, « signes de superstition qui souillent les regards de l’homme libre. » Il suspend les passeports, multiplie les visites domiciliaires, pourchasse les suspects dans les campagnes comme dans les villes. Il organise en un mot « le mouvement de terreur qui seul pouvait consolider la République. »

Enfin, pour couronner son œuvre, il fait célébrer dans la cathédrale de Colmar « une fête simple et grave. » Au sommet d’une montagne, « emblème de la République, » couronnée par la flamme, « emblème de l’intelligence, » une femme était assise, figurant la Raison que célébra du haut de la chaire le représentant de la Convention. « Le peuple chanta la Liberté, et le reste du jour, consacré à l’Egalité, fut égayé par le bonheur de se retrouver et de s’entretenir fraternellement. » Une fête pareille fut ordonnée dans toutes les villes d’Alsace.

Le 5 décembre, la Convention prit connaissance du rapport dans lequel Hérault de Séchelles énumérait ces mesures et se félicitait d’avoir en peu de jours transformé le département du Haut-Rhin. Mais déjà l’orage qui, depuis longtemps, se formait sur sa tête avait fait entendre ses premiers grondemens. Un membre de l’assemblée, Bourdon (de l’Oise), à l’appui d’un projet de loi tendant à exclure du Comité de Salut public les prêtres et les nobles qui en faisaient partie, s’était écrié le 16 novembre : « Je vous dénonce le ci-devant avocat général, le ci-devant noble Hérault de Séchelles, membre du Comité de Salut public et maintenant commissaire à l’armée du Rhin, pour ses liaisons avec Pereyra, Dubuisson et Proly »

L’assemblée avait frémi en entendant accuser un de ses