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dans son étrange testament d’août 1669, les deux prêtres figurent au premier rang de ses légataires. Si, comme le suppose lord Acton, le mystérieux personnage était un imposteur, on ne voit pas de quel service a pu être pour lui cette affectation d’une piété qui, dans ces conditions, ne peut guère non plus avoir été réelle. Et Armanni nous dit en outre que James Stuart, de sa prison de Naples, « a écrit à Rome au général des Jésuites, le priant de s’entremettre en sa faveur auprès du vice-roi, et d’obtenir pour lui la permission de se rendre en Angleterre, par Livourne et Marseille. » Une telle démarche, s’il était un imposteur, n’était-ce pas un moyen infaillible de dévoiler sa fraude ? Et il n’y a pas enfin jusqu’à sa mise en liberté qui, s’il était un imposteur, n’ait de quoi nous surprendre davantage que dans l’hypothèse où il eût dit vrai : car on comprend que, avec le consentement et peut-être même sur la demande expresse de Charles II, le vice-roi se soit empressé de relâcher le fils authentique du souverain anglais, sauf à lui défendre désormais de se proclamer tel ; tandis qu’on devine plus malaisément les titres qu’un faux James Stuart aurait pu avoir à son indulgence.

De telle sorte que, d’après, M. Andrew Lang, les deux hypothèses opposées ont une part de vraisemblance à peu près égale. Il se peut que le prisonnier de Naples ait été un faux James de la Cloche, par exemple un ancien condisciple du jeune fils de Charles II au noviciat du Quirinal, qui, ayant appris de lui une partie de son histoire, s’en soit prévalu pour duper une jeune fille qu’il aimait, ses parens, et quelques bons prêtres napolitains : mais, en ce cas, comment expliquer l’argent et les bijoux trouvés en sa possession, et sa lettre à Oliva, et sa libération à la suite des renseignemens venus sur lui de Rome et de Londres ? Et il se peut aussi que cet énigmatique personnage ait été véritablement James de la Cloche, qui, au retour de son voyage d’Angleterre de 1668, s’étant par hasard arrêté à Naples, s’y soit épris d’une jeune fille au point de sacrifier pour elle, d’un seul coup, et sa vocation religieuse et les brillantes perspectives d’avenir que lui offrait son père : mais, en ce cas, comment expliquer l’extravagante absurdité de son testament ?

Voilà certes un mystère bien fait pour piquer la curiosité du psychologue comme de l’historien ! Le pieux et héroïque jeune homme que nous avons vu se présentant au collège romain avec deux chemises et trois paires de chausses, tandis que son père lui promettait à Londres une fortune et un rang princiers, le novice dont Charles II (qui avait eu l’occasion de le connaître de près en 1665) célébrait avec