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société, qu’on ne peut plus s’y reconnaître. On voit que cette dernière lui apporte un secours puissant, qu’elle l’aide efficacement à trouver l’argent et les auxiliaires dont il a besoin : on est souvent en peine de dire à qui revient l’idée première de telle ou telle œuvre.

Pour celle qui nous occupe ici, cependant, le point de départ est connu. Ce ne fut ni Vincent de Paul ni la Compagnie du Saint-Sacrement qui conçut et mit en train l’œuvre prodigieuse du relèvement des provinces. Le premier comité de secours fut fondé à Paris, en 1649, par un janséniste, M. de Bernières, auquel revient également l’invention des Relations imprimées qui allèrent informer toute la France des misères à soulager. C’était la première fois que la charité se servait de la publicité. Elle s’en trouva bien. M. de Bernières et son comité, où dominaient les femmes de parlementaires, purent bientôt commencer à faire distribuer en Picardie et en Champagne du pain, des vêtemens, de l’argent, des semences, des instrumens de travail. Ils établirent des hôpitaux. Ils mirent fin à l’affreux sentiment d’abandon de ces malheureuses populations, piétinées depuis tant d’années par des mercenaires de toutes races et de toutes langues. Mais leur nombre était médiocre, si leur zèle était grand, et la communauté janséniste n’était pas outillée pour une tâche de cette envergure. Dès la fin de l’année suivante, la direction de l’entreprise passa tout naturellement aux mains de Vincent de Paul, qui lui amenait son armée de sœurs de charité, ses prêtres de la Mission, et tout un contingent d’alliés secrets, mais absolument dévoués.

Il ne semble pas qu’il en soit résulté d’abord aucun conflit. Mme de Lamoignon et la présidente de Herse furent le bras droit de M. Vincent comme elles l’avaient été de M. de Bernières. Quand la reine de Pologne[1], élevée en France et fille spirituelle de Port-Royal, voulut souscrire à l’œuvre, elle envoya son argent à la mère Angélique, en lui disant de s’entendre pour la distribution avec M. Vincent. Mais cette bonne harmonie ne dura guère. Les membres de ce que le public allait baptiser du sobriquet de Cabale des Dévots, faute d’en connaître le nom véritable, ne purent supporter la concurrence janséniste dans la charité. Ils entamèrent contre M. de Bernières une campagne

  1. Marie de Gonzague.