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publics, dresse la liste des artistes auxquels une récompense nationale doit être attribuée. Le Comité d’Instruction publique est en rapports constans avec elle et il décide qu’il consultera toujours celle-ci « sur tous les objets qui auront quelques rapports avec les arts. » Le 22 pluviôse, on remarque que le buste de Marat a disparu de la salle des séances, peut-être depuis Thermidor ? On proteste, disant qu’il n’aurait dû être enlevé que sur un arrêté de la Société. Un membre répond qu’il l’a retiré en vertu du décret de la Convention. Il n’importe, le buste est réclamé par les artistes. On va le chercher, et solennellement, il est brisé séance tenante.

Il faut constater que la chose ne porta pas bonheur à la Société Républicaine des Arts. Cet acte de civisme, — c’en fut un, au même titre que naguère la glorification quotidienne de Marat, — ne lui valut même pas de rester dans les bonnes grâces du Comité d’Instruction publique et de la Convention. Les artistes, petit à petit, se détachent de la Société et ils n’y viennent plus en très grand nombre. On en fait l’amère constatation. Le 22 ventôse, le temps est affreux, et, ce jour-là, la salle du Laocoon est vide, ou peu s’en faut. On n’y voit ni le président ni le secrétaire de la Société, demeurés au coin de leur feu. Combien sont là ? Détournelle, qui a rédigé une manière de procès-verbal, dit qu’on a « délibéré, néanmoins, qu’on ferait part à la prochaine assemblée de l’intention que quelques membres ont manifestée qui est que, dans le cas de quelque événement semblable, les artistes qui seraient réunis dans le lieu des séances, on continuerait à discuter les intérêts des arts, afin d’attester à la postérité du zèle que les artistes ont mis aux progrès des arts et des sciences malgré tous les obstacles possibles. »

La vérité est que la Société Républicaine des Arts se meurt. La Révolution touche à sa fin et on voit déjà poindre, comme on disait avant Thermidor, l’hydre académique, l’Institut, qui va ressusciter les vieilles Académies. Les artistes de la Société Républicaine sentent le besoin d’élargir leur base d’action, sous peine de mort prochaine. On a créé différens organes qui n’ont pas donné, au regard des artistes, des résultats appréciables, tels la Commission d’Instruction, le Conservatoire et la Commission temporaire des Arts, « autant de pouvoirs, dit un passage biffé des procès-verbaux, qui ne paraissent pas remplir le but. » Ce but, c’est celui de l’éducation artistique. Pourquoi la Société ne