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crêtes dentelées bleuissantes : ce sont les montagnes de Mongolie. Le chemin, défoncé, souvent encaissé, formé, aux passages difficiles, de quatre à cinq pistes parallèles, court, comme en un long défilé, à travers ces haies de hautes cultures.

La colonne avait parcouru à peine un kilomètre, lorsque quelques coups de feu isolés, suivis de deux à trois salves, se firent entendre. C’était la section française détachée eu reconnaissance, qui, avant de pénétrer dans un petit village, situé près du barrage, répondait à une dizaine de coups de fusil par lesquels quelques Boxeurs l’avaient accueillie, ainsi que les deux pelotons de cavalerie alliée. Une fraction de cette cavalerie se replia précipitamment derrière la section et mit pied à terre ; une autre, dépassant la colonne à une vive allure, rallia le campement américain. La section française avait pris immédiatement position au débouché est du village. L’officier commandant avait l’ordre formel de ne pas s’engager à fond, et, en cas de rencontre de forces supérieures, de se replier sur la colonne. Une section de repli lui fut aussitôt envoyée pour le cas où cette éventualité se produirait.

Le général fit continuer la marche pendant encore quelques centaines de mètres pour gagner un emplacement qui lui paraissait constituer une excellente position d’attente.

Son faible effectif en infanterie, à peine suffisant pour constituer le soutien de son artillerie, ne permettait pas au petit corps français, isolé, en pointe, sans cavalerie pour explorer les environs, sans nouvelles de ce qui se passait à sa droite et à sa gauche, de prendre à ce moment une offensive, — qui, d’ailleurs, eût été absolument contraire aux conventions arrêtées entre les chefs alliés, — et de s’engager ainsi davantage dans une action prématurée, sur un terrain pouvant être battu par les feux de l’artillerie des murailles de la capitale, et, en tout cas, dans une zone située dans le rayon d’action des troupes qui, virtuellement, avaient dû être chargées de barrer les routes conduisant aux portes de Pékin ou, tout au moins, de défendre les abords de ces dernières.

L’emplacement choisi se prête, d’ailleurs, pour la colonne, à la bonne organisation d’une position de halte gardée, dans l’attente des événemens : c’est un petit plateau s’étendant de la route au canal, sur un front de deux à trois cents mètres, avec deux pagodes précédées de terrasses et entourées de murs,