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l’Empereur ; car François d’Assise, Dante, Crispi même pour la part de la péninsule transalpine, Abélard, Pascal, Racine, Voltaire et autres, pour celle de notre pays, ont reçu de ses mains leur brevet de germanisme. Mais Guillaume parlait pour son peuple, et s’est tenu cette fois au germanisme restreint, sans addition de Celtes ni de Slaves. Quant aux Sémites acceptés comme révélateurs dans le document impérial, il faut observer que M. Chamberlain tend lui-même de plus en plus à réserver au seul judaïsme proprement dit, à l’œuvre ecclésiastique et factice d’un Esdras, les foudres de ses excommunications aryennes. La plus grande partie de la récente préface destinée à la quatrième édition des Assises est en effet consacrée à Babel et Bibel, et, tout en accablant le professeur Delitzsch des témoignages de son indignation pour son dangereux philosémitisme en religion[1], notre penseur déclare attendre, lui aussi, des progrès de l’assyriologie un éminent résultat cultural : à savoir la preuve de l’aryanisme latent dans les parties vraiment antiques de l’Ancien Testament.

Quoi qu’il en soit du germanisme d’Hammurabi, c’est par l’action accumulée de semblables génies religieux que l’Empereur, comme M. Chamberlain, conçoit une évolution continuée (Weiterbildung) de la religion chrétienne. Et, éprouvant à son tour le besoin d’une forme, d’une enveloppe plastique pour son rêve transcendant, il la demande aux paroles du Christ, auxquelles il adjoint les récits de la Bible. « Jamais, conclut-il, la religion n’a été un résultat de la science, mais seulement l’effusion qui déborda du cœur et de l’essence de l’homme, au cours de ses relations avec Dieu ! » M. Chamberlain signerait des deux mains cette définition.

Enfin, le discours du 17 octobre 1903, prononcé au dîner de famille qui suivit la confirmation des jeunes princes Oscar et Auguste-Guillaume, rapproche tout d’abord cette cérémonie pieuse de celle qui apporte l’uniforme d’officier aux membres de la maison de Hohenzollern, lors de leur dixième année. « Je parle à dessein dans un sens militaire, a dit l’Empereur, parce que je suppose que vous connaissez la belle allégorie dans

  1. Cependant, dans la préface qu’il vient d’écrire de son côté pour l’édition du 20 au 30e mille de sa deuxième conférence, le professeur Delitzsch se proclame aussi germaniste que possible en religion, et proteste contre tout soupçon de philosémitisme, par son attitude sévère à l’égard des prophètes.