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laquelle le chrétien est comparé à un guerrier, tandis que sont énumérées les armes mises à sa disposition par le Seigneur. » Le Christ fut « la personnalité la plus personnelle » qui soit jamais apparue sur la terre. Par un véritable miracle, ses paroles resteront vivantes des milliers d’années après que seront oubliés les discours des sages. Et c’est avec la personnalité du sauveur qu’un chrétien et un bon Allemand doit demeurer en intime communion, au cours de cette existence d’activité incessante qui est commandée par la doctrine du maître. — Voilà qui sonne encore comme une paraphrase des Assises. Que d’ailleurs Guillaume II ait simplement puisé aux sources exploitées par notre auteur, qu’il ait, lui aussi, fréquenté l’œuvre de Gœthe, subi peut-être l’influence parallèle du professeur Harnack, cela est possible, puisque le souverain n’a pas indiqué l’origine de ses idées. Il n’en reste pas moins une coïncidence bien frappante dans les résultats obtenus de part et d’autre, et une utile indication sur les possibles échos du christianisme germanique dans la réalité prochaine.

Vers les derniers temps de sa vie, Renan exposa un jour de façon fort spirituelle les raisons qui lui faisaient voir avec regret l’approche de la mort, et il en fournit une, entre autres, qui sembla fort inattendue. Il eût aimé, disait-il, à connaître les avatars futurs de la captivante personnalité qu’il pressentait dès lors chez le jeune évocateur de la Conférence ouvrière de Berlin. Or, dix années de survie lui auraient montré Guillaume II adepte d’une conception du monde par plus d’un côté voisine de celle qui fut la sienne, tout au moins en ces heures de sincérité où il daigna donner quelque corps à cette philosophie flottante, et l’exposer ouvertement dans ses germanistes tendances.


VII

Par bonheur pour M. Chamberlain, son aryanisme et son impérialisme mystique ne sont pas près de descendre, tels qu’il les a conçus, dans l’arène politique, et de collaborer directement à la tâche difficile du gouvernement des hommes[1]. Après

  1. La question de la » religion germanique » est devenue si actuelle en Allemagne, grâce aux Assises, qu’elle a été récemment l’objet d’une de ces enquêtes de presse dont nous avons fréquemment le spectacle. (Voir la Revue der Tuermer, de Stuttgart. — V. 7, 102.)