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nuages de cette sorte ressemblent assez fréquemment à des touffes de coton cardé, ou à des barbelures de plume d’oiseau : ils sont constitués par des amas de petites aiguilles de glace sur lesquelles les jeux de lumière des rayons de soleil ou de la lune produisent les halos. Lorsqu’ils sont éclairés d’une certaine façon ils ressemblent déjà par eux-mêmes aux véritables nuées aurorales ; et ce qui ajoute à la confusion, c’est qu’ils coexistent souvent avec elles ou qu’ils leur succèdent. De là des erreurs, même de la part d’observateurs très expérimentés. Bravais a confessé l’embarras qu’il avait éprouvé plusieurs fois à cet égard. — Les nuées aurorales sont les formes incertaines, rudimentaires ou exceptionnelles des aurores polaires.


Passons maintenant aux aurores normales, bien définies. Celles-ci se signalent précisément par le caractère vacillant de leur luminosité. Elles se distinguent, par leur tremblotement et leur texture, de tous les autres météores qui apparaissent dans le ciel tels que les halos, les couronnes et les arcs-en-ciel qui sont des feux fixes. L’aurore est un feu mobile : mobile dans sa forme et mobile dans sa texture. Elle est, en quelque sorte, taillée dans une espèce de passementerie lumineuse : c’est une frange formée de rayons juxtaposés. Les voyageurs la comparent encore à une étoffe réduite à sa trame longitudinale, ou à des rideaux de bambous japonais. Ce voile léger et brillant présente assez de transparence pour que l’on puisse apercevoir au travers les étoiles qui scintillent à la voûte céleste. Sa blancheur habituelle se teint souvent d’une nuance de jaune ; exceptionnellement elle se revêt de rouge éclatant et de vert. — Que l’on découpe maintenant cette étoffe plus ou moins frangée en forme d’arc, ou de rubans reployés sur eux-mêmes, et l’on aura les deux formes d’aurores polaires les plus habituelles : les aurores en arc et les aurores en draperies. Si, enfin, l’on distend la bande de tissu en tirant sur l’un de ses bords, on détruira le parallélisme des rayons qui en font la trame, on en fera une sorte d’éventail, de roue, ou de couronne radiée qui constituera la troisième et dernière forme des aurores polaires, les aurores en couronne.

Si, comme dans les théâtres de féerie, on projetait les rayons d’une lampe électrique sur le tissu auroral que nous venons d’imaginer, on verrait s’éclairer de reflets successifs ses diverses