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elle cède à un mobile dont elle aurait honte si elle pouvait en prendre conscience. Ce second mariage est un acte de représailles, c’est un défi porté au premier mari, avec un secret désir et un espoir inavoué de le faire souffrir.

El Marianne a contre elle la présence de son enfant. Tout le second acte est consacré à nous faire souvenir que cet enfant existe, et que, puisqu’il existe, la séparation entre les deux êtres qu’il résume en lui n’est qu’illusoire. Guillaume a beau se montrer pour lui plein de bonté, cette bonté n’est ni adroite ni clairvoyante. Il y manque cette espèce de divination que peut seule donner la parenté du sang. De plus, en se remariant, Marianne a cessé d’avoir sur son enfant des droits exclusifs ; elle a subi dans son autorité de mère une diminution. Même la situation s’est retournée, M. de Pogis étant devenu veuf de sa seconde femme. Il est décidé à ne plus se contenter des deux courtes visites que l’enfant lui fait chaque semaine. Il fera valoir ses droits devant les tribunaux, et entamera un procès, si Marianne ne consent pas à un arrangement amiable. Marianne et Max se trouvent ainsi remis l’un en face de l’autre. Et la conversation où ils ne parlent que de l’enfant, nous renseigne sur l’état de l’âme de Max. Car, sans doute, en lui, c’est le père qui souffre de trouver chez son fils des idées, des sentimens qu’un autre que lui y a mis. Mais en outre nous nous rendons bien compte que, lui non plus, il n’a pas cessé d’aimer Marianne, et qu’il en veut à Guillaume non pas seulement de lui voler une partie de la confiance de son enfant, mais aussi et peut-être d’abord de posséder celle qui a été à lui. Ainsi un attrait ramène l’un vers l’autre les deux êtres qui se sont aimés. Pour les réunir, il ne faudra qu’une occasion.

Les anciens qui avaient une imagination toute neuve et chez qui ne s’était pas usée la faculté poétique de l’étonnement, avaient traduit par d’effrayans symboles le pouvoir magnifique de la fatalité. Nous nous sommes habitués à rencontrer sur notre chemin cette ennemie et son visage nous est devenu familier. Ses coups n’en sont pas moins terribles. Elle peut, cette fatalité, résider en dehors de nous dans quelque accident absurde et foudroyant, une maladie, une mort, une catastrophe ; elle peut résider en nous et se traduire par un de ces coups de passion par lesquels nous semblons démentir toute une vie. Sous cette double forme, la fatalité sévit à travers tout le troisième acte du Dédale. C’est ici, à tous les points de vue, l’acte essentiel de la pièce, celui qui en contient la signification, et qui porte le drame à son paroxysme. M. de Pogis a obtenu d’emmener son enfant passer