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sorte de dépréciation. Lorsqu’une Eglise assise sur le principe d’autorité se laisse aller à rougir de son intransigeance dogmatique ; lorsqu’elle dissimule avec un pudique embarras une partie des dogmes qui sont, tout à la fois, son patrimoine et sa raison d’exister, on peut dire que volontairement elle s’anémie, et qu’en présence de l’auguste et décisif dilemme : être ou n’être point, elle prend le parti de n’être point. C’est vers ce cruel parti qu’inclinaient, dans l’Allemagne du XVIIIe siècle finissant, un certain nombre de théologiens catholiques. Leurs catéchismes en font foi : le christianisme y devenait une sorte de morale supérieure, à peu près indépendante du dogme ; on eût dit que le prêtre éprouvait quelque gêne à prêcher le message d’un Dieu révélateur ; il aimait mieux être l’interprète, toujours banal lors même qu’élégant, de l’expérience morale quotidienne et d’une certaine « éthique » naturelle, à demi rationaliste, à demi parfumée d’encens. Mais l’Incarnation, mais la Rédemption, mais la faute originelle, mystères fondamentaux du christianisme, étaient, dans ces catéchismes « éclairés, » condamnées à la pénombre ; car ces doctrines avaient deux torts, d’abord d’être inaccessibles à la raison raisonnante ; et puis, surtout, d’avoir provoqué des conflits théologiques entre les diverses confessions chrétiennes ; et certains théologiens d’État, qui n’étaient plus catholiques que d’étiquette, avaient découvert une merveilleuse façon d’unifier le christianisme : c’était de supprimer ou de voiler ce qu’il y avait d’essentiel en lui. S’ils croyaient rendre service au catholicisme en le diminuant au lieu de le définir, en le cachant au lieu de l’affirmer, leur erreur était lourde : ils laissaient s’effriter la synthèse dogmatique dont ils auraient dû être les gardiens, et craignaient si fort de la faire paraître encombrante qu’ils ne lui permettaient même plus de faire figure. Quelques fragmens d’affirmations, interrompues et incohérentes, timidement baptisées du nom de dogmes ; et quelques survivances de pratiques, qui, faute d’être rattachées à ces dogmes, paraissaient superstitieuses ef bonnes pour l’enfance, ou bien bonnes pour la plèbe : voilà ce qu’était le catholicisme pour la plupart des compatriotes de Goethe.

Pour qu’il gardât l’adhésion des consciences et qu’il gagnât le respect des intelligences d’alentour, il fallait qu’il se révélât aux hommes de lettres et aux artistes comme une source d’inspirations et comme un épanchement précieux de l’âme nationale ;