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de réception, en devint le chef en 1867 et, en 1876, fut promu au poste d’administrateur. Tel est aussi, en Amérique, Boldt, ancien garçon d’office, aujourd’hui l’un des notables opulens de New-York, à la tête du Waldorf-Astoria, la plus grande auberge du monde.

Mais Ritz est l’individualité la plus originale en cette profession, parce qu’il a innové et qu’il a fait école. Originaire de Suisse, terre classique des hôtelleries, fils de fermiers du Valais, il partit à quinze ans pour Paris et débuta, comme « garçon de salle, » dans un petit hôtel de la place de la République. Il entra ensuite chez Voisin et y demeura huit ans, jusqu’en 1873, où il fut engagé, en qualité de maître d’hôtel, par un restaurateur français à l’Exposition de Vienne. Apprécié de ses patrons, il devint alors chef de restaurant au « Grand Hôtel » de Nice et le quitta, pour prendre à son tour la gérance d’un hôtel à San Remo. Sa gestion ayant été heureuse, on lui en offrit de plus importantes : à Paris, celle du « Splendide Hôtel » de l’avenue de l’Opéra ; celle des « Roches-Noires » à Trouville, enfin, en 1880 ; celle de l’« Hôtel National, » à Lucerne, dont il est demeuré l’un des principaux actionnaires.

Ici Ritz se révéla à ses concitoyens et à la foule cosmopolite, qui allait désormais apprendre son nom, dans sa vocation de fondateur et lanceur d’hôtels. Ces hôtels ne dépassèrent pas en dimension, en importance, en richesse, ceux que l’on possédait déjà : ils furent autres.

« Il n’est point de commerce, observe Ritz, où l’acheteur ait avec le vendeur des rapports aussi étroits, aussi intimes, que sont, dans un hôtel, ceux de la clientèle avec le patron. L’hôtelier est un maître de maison chez lequel on s’invite, chez qui l’on demeure sans le connaître, mais c’est un maître de maison. Et l’on est bien ou mal, dans une maison, suivant que le maître la dirige bien ou mal. » L’idée n’était pas neuve, si l’on veut, mais Ritz s’en pénétra mieux que ses confrères. Il en tira tout un programme : celui de logis moins banals, meublés avec plus de recherche que de gros luxe, reproduisant mieux, dans les détails de leur aménagement, l’élégance tranquille d’un « home » de bon goût que les déploiemens d’ors d’un kursaal. A Paris, dans l’hôtel qui porte son nom, pour atteindre plus sûrement son rêve d’avoir la maison la plus propre du monde, il a choisi intentionnellement, pour les tapis et les meubles, les nuances les