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Dieu bénit les armes de notre grand monarque et que Philippe cinquième soit maître de l’Espagne, nous serons receus à bras ouverts, car j’ai remarqué que les difficultés sont devenues insurmontables depuis les disgrâces de Barcelone et de Turin. »

Dans sa réponse, sans s’occuper autrement des digressions de son correspondant, d’Antin, après avoir rappelé qu’il est, comme feu M. Colbert, persuadé que, « pour achever de rendre un règne illustre, il faut faire fleurir les arts et les sciences et qu’il lui semble que le Roy n’a rien oublié pour cela, » prescrit ce qu’il veut qu’on fasse « afin de réparer ce qui a été négligé. » Le nouveau directeur général confirme les pouvoirs de Poërson, en l’assurant que le directeur de l’Académie recevra désormais de l’ambassadeur de France toute la protection et tous les secours dont il aura besoin. Le maître de mathématiques sera rétabli et l’on aura soin de prendre le meilleur. On choisira les futurs élèves parmi ceux qui auront le plus de talens. Il appartiendra au directeur de régler leurs mœurs et de les tenir dans une exacte discipline. « On est toujours le maître quand on veut, » dit d’Antin, qui se peint tout entier par ce mot. « Envoyez-moi le nom de vos élèves, leurs talens, qui ils sont, d’où ils viennent, car je veux que dorénavant tout soit comme il doit être. Envoyez-moi au bout de l’année un état en détail de toutes vos dépenses pour que je puisse en être informé au juste et pour voir si elles sont conformes au fonds que Sa Majesté y destine. Je vous prie, en attendant, de m’écrire tous les ordinaires ; nous ne saurions avoir trop de commerce ensemble. »

Ayant tracé ces règles, sages et précises, d’Antin, pendant sa longue surintendance, ne s’en écarta jamais. Quelques jours après, il adressait à Poërson le règlement qui assurait de nouveau, dans les conditions les meilleures, le fonctionnement de l’Académie. Même aux temps les plus durs, au lendemain des plus cruelles défaites, jusqu’au jour où la victoire de Denain libéra la France, et alors que c’était déjà beaucoup de vivre ou d’avoir l’air de vivre, d’Antin ne négligea jamais de pourvoir exactement aux besoins de l’Académie. Il ne cesse de se renseigner sur les travaux des élèves, de rappeler à Poërson qu’il ne prise guère les louanges exagérées ou ridicules ; de mettre fin par des ordres précis à ses tergiversations incessantes ; de lui répéter que, « quand on est chargé des affaires des autres, l’épargne est une vertu. »