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Avec un zèle et une constance qui ne se démentent point, d’Antin s’occupe aussi de chercher des pensionnaires dignes d’être envoyés à Rome, ne ménageant pas les éloges et les encouragemens à ceux qu’il en croit dignes, ne détestant rien tant que la médiocrité et le mauvais goût : « Ne souffrez jamais, écrit-il, pour quelque considération que ce soit, que les travaux mauvais de vos élèves paraissent en public. »

A dire vrai, pendant toute la durée de sa surintendance, le duc d’Antin fut, comme l’avait été Colbert, le véritable directeur de l’Académie de Rome. Poërson était pour lui un médiocre collaborateur dont la principale occupation, à cette heure de crise, et même plus tard, était d’écrire d’interminables lettres, bien moins sur l’Académie, sauf pour ce qui concernait ses besoins d’argent, à l’endroit desquels il est toujours très loquace, que sur les incidens, quels qu’ils fussent, qui se succédaient à Rome. Nouvelles ou rumeurs de tout ordre mises en circulation dans les couloirs du Vatican ou des ambassades, maladies, décès, fêtes, repas, mariages, entrées solennelles de personnages étrangers, aventures plus ou moins romanesques, affaires ecclésiastiques, rixes fréquentes des sbires de la police romaine avec le personnel des légations, propos de cours ou de boudoirs, variations atmosphériques, — tout est noté pêle-mêle dans cette correspondance de Poërson, qui rapporte tout ce qu’on lui raconte. Parfois tout ce verbiage lasse d’Antin, qui ne peut s’empêcher d’écrire : « Je suis fort aise de savoir des nouvelles du Pape et des cardinaux ; mais je suis bien plus curieux d’en savoir de votre Académie dont vous ne me dites jamais un mot. Je vous ay déjà mandé de me faire sçavoir si vos élèves promettent ou s’ils font usage de leur temps et si l’argent qu’ils coûtent est bien employé. »

Il y eut une heure toutefois où la situation de la France devint si grave que, même sous d’Antin, l’Académie de Rome en subit le contre-coup à un point jusqu’alors inconnu. Les communications par mer sont coupées ; les postes sont interrompues ; plus d’une fois les lettres, y compris les lettres de change, sont perdues ou volées ; lorsqu’elles arrivent à leur adresse, elles n’y apportent que de lugubres nouvelles. « Que j’aurais de plaisir, monseigneur, écrit Poërson, le 11 mai 1709, de recevoir de votre part ces douces paroles : la paix est faite ! » Longtemps encore les plus douloureux événemens, ausfi4 bien que les pires exigences