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l’argent pour subsister ; l’on y croit la France fort dérangée et les Italiens ne veulent pas faire de crédit. » Poërson en est d’autant plus affecté que sa femme est très malade et que les médecins, chirurgiens et autres lui réclament leur dû avec insistance. D’Antin, lui, qui a traversé bien d’autres épreuves, ne se trouble pas, « Je vous prie d’être persuadé, répond-il, que je suis plus occupé que vous ne sauriez l’être de tout ce qui regarde l’Académie et de ses besoins. Ainsi employez toute votre industrie à passer ce temps fâcheux, et vous verrez que vous n’y perdrez rien et, dès que le change sera revenu, vous serez des premiers servis. » Dans une autre lettre du 5 juillet 1721, il dit encore : « Je ne suis occupé qu’à chercher de l’argent pour votre Académie et j’espère vous en envoyer assez incessamment pour vous mettre en état de rendre votre compte de l’année dernière et remettre toutes choses dans la décence où elles doivent être, car on me mande que l’Académie dépérit, ce qui me fâcherait fort, à tous les soins que j’en prends. »

Cette « décence, » chère à d’Antin, lui tient d’autant plus à cœur que la France est alors somptueusement représentée auprès du Saint-Siège par le cardinal de Rohan, qui éblouit de son luxe les Romains s’exclamant sur son passage : « Vive le beau cardinal ! Que ses jours soient longs et bénis ! » et qui comble aussi de ses présens la cour pontificale, envoyant « une berline superbe au cardinal Ottobon, un carrosse et six chevaux au cardinal Conti, frère du pape ; deux chevaux gris pommeliez au cardinal camerlingue ; deux au gouverneur de Rome ; et à plusieurs autres des tabatières d’or et autres galanteries. »

Toutes ces descriptions de cérémonies, toutes ces nouvelles dont d’Antin estime « que l’Italie fertilise beaucoup, » non plus que les interminables complimens qu’il reçoit de Poërson sur le mariage de son petit-fils, le duc d’Epernon, avec Mlle de Montmorency, n’empêchent pas le surintendant de continuer à se plaindre que le directeur de l’Académie « ne lui parle jamais de ses élèves. » Aussi, le 7 juin 1722, l’invite-t-il de nouveau à lui adresser tous les mois, à Paris, un état l’informant de la conduite qu’ils tiennent, de leurs talens différens et du progrès qu’ils y font. « Vous ne sçauriez, ajoute-t-il, être trop attentif à piquer d’émulation des jeunes gens destinez à devenir illustres dans les arts et à employer utilement pour la gloire du royaume une dépense qui n’a d’autre objet. »