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aura faites, que vous corrigerés avec bonté en leur disant votre sentiment, et comme les talens arrivés à un certain genre de perfection mettent infailliblement à portée de la bonne compagnie ceux qui y atteignent, je désirerais un air d’éducation dans les élèves, qu’ils prendront nécessairement avec vous et mademoiselle votre sœur, au souvenir de laquelle je suis très sensible... Le ton, le maintien, les propos seront très différens lorsque vous les y aurez sous vos yeux ; par là, vous leur donnerés non seulement le moyen de réussir dans la partie qu’ils ont embrassée, vous les mettrez même à portée de montrer que le pinceau, le cizeau et le crayon savent les lois de l’urbanité et de la politesse et, en cela, vous remplirés les vues de l’établissement auguste de l’Académie dont Louis XIV a jette les fondemens et dont le Roy fait un des objets de son attention. »

Marigny fut, comme on le sait, un remarquable surintendant des Beaux-Arts, de tous points attaché aux devoirs d’une charge qu’il devait remplir, pendant vingt ans, jusqu’à la fin du règne de Louis XV. A maints égards, le frère de Mme de Pompadour offre donc avec le fils de Mme de Montespan, qui avait si longtemps été directeur des Bâtimens, plus d’un trait d’heureuse ressemblance. Comme d’Antin, qu’il prit pour modèle, Marigny, dans ses instructions, se montre très précis en même temps que très libéral en matière d’art.

A Natoire, qui fut un directeur à l’esprit quelque peu étroit, plus préoccupé de ses commandes et de ses succès personnels que de l’intérêt et des progrès de ses pensionnaires, avec lesquels il est souvent aux prises, Marigny donne sans cesse des conseils discrets, mais fort justes, « pour ne pas les gesner, écrit-il par exemple, le 30 mai 1762, dans des idées heureuses et qui pourroient devenir ingrates, s’ils n’avoient la liberté de s’y livrer. » Il va jusqu’à exprimer le vœu que « nos jeunes architectes s’occupent plus des choses relatives à nos mœurs que des temples de la Grèce. »

Marigny, cependant, n’en tenait pas moins strictement la main à l’observation des règlemens de l’Académie, ne négligeant jamais de se faire périodiquement envoyer des études et des croquis des élèves, sur chacun desquels il porte un jugement motivé, où l’on sent plus d’une fois l’inspiration de Charles-Nicolas Cochin, qui, pendant trente-cinq ans, resta secrétaire de l’Académie des Beaux-Arts.