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en résulter. C’est le cas de l’uranium, du thorium, du radium, etc., dont les poids atomiques sont considérables, et l’hypothèse de J. Perrin explique parfaitement, en gros, la radio-activité de ces corps. Quant à la radio-activité considérée comme une propriété générale de la matière, elle n’infirme pas cette hypothèse : la vitesse vertigineuse des corpuscules de l’aluminium, dont l’atome est très léger et, par suite, probablement très petit, doit entraîner facilement la dislocation, au moins partielle, du microcosme.

On peut, enfin, concevoir que, pour les masses qui forment l’atome, il y ait plusieurs configurations stables possibles, plusieurs régimes permanens de gravitation possibles. À ces différens régimes correspondraient les différens types chimiques possibles pour un même atome, ce qui permettrait de s’expliquer les variations de valences de certains corps tels que l’azote qui, ordinairement trivalent, peut devenir pentavalent et même bivalent.

Résumons-nous : 1° La constitution de la matière pondérable est granuleuse ; ce qui fait que cette matière est essentiellement discontinue et hétérogène ; 2° tout corps est une agglutination de molécules, formées elles-mêmes d’atomes (ou de granules) agglutinés, et tout atome est une agglutination de sous-atomes, c’est-à-dire de masses infimes fortement électrisées, les unes positivement, les autres négativement ; 3° des mouvemens rapides, une énergie intense animent toutes ces particules qui s’élancent, vibrent et tourbillonnent dans l’éther.


Maintenant, ces hypothèses représentent-elles bien l’absolue réalité ? En d’autres termes, doit-on envisager tout ce qui précède comme une description exacte de la constitution intime de la matière pondérable et, par suite, d’une partie de l’Univers, ou comme une image plus ou moins grossière de ce qui est ?

La réponse est difficile, car si, aujourd’hui que l’expérimentation, comme nous l’avons déjà dit, est la base de nos conceptions scientifiques, les théories précédentes reposent, conformément à cette règle, sur un nombre immense d’expériences, il s’agit de savoir ce que valent ces expériences et, par conséquent, les lois qui en découlent. Il y a longtemps qu’on l’a fait remarquer : si l’on n’admettait, comme lois physiques, que des lois absolument démontrées, il n’en subsisterait guère : aujourd’hui, en effet, les lois fondamentales de la chimie sont de plus en plus discutées.