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Mère du Chah, le prince D... ayant eu la bonté de me donner un introducteur pour me présenter au prêtre qui la dirige.

L’avenue large et droite qui y conduit, inutile de demander qui la tracée : c’est le Chah Abbas, toujours le Chah Abbas ; à Ispahan, tout ce qui diffère des ruelles tortueuses coutumières aux villes de Perse, fut l’œuvre de ce prince. La belle avenue est bordée par des platanes centenaires, dont on a émondé les branches inférieures, à la mode persane, pour faire monter plus droit leurs troncs blancs comme l’ivoire, leur donner l’aspect de colonnes, épanouies et feuillues seulement vers le sommet. Et des deux côtés de la voie s’ouvrent quantité de portiques délabrés, qui eurent jadis des cadres de faïence, et que surmontent les armes de l’Iran : devant le soleil, un lion tenant un glaive.

Cette université, — qui date de trois siècles et où le programme des études n’a pas varié depuis la fondation, — a été construite avec une magnificence digne de ce peuple de penseurs et de poètes, où la culture de l’esprit fut en honneur depuis les vieux âges. On est ébloui dès l’abord par le luxe de l’entrée ; dans une muraille lisse, en émail blanc et émail bleu, c’est une sorte de renfoncement gigantesque, une sorte de caverne à haute ouverture ogivale, en dedans toute frangée d’une pluie de stalactites bleues et jaunes. Quant à la porte elle-même, ses deux battans de cèdre, qui ont bien quinze ou dix-huit pieds de hauteur, sont entièrement revêtus d’un blindage d’argent fin, d’argent repoussé et ciselé, représentant des entrelacs d’arabesques et de roses, où se mêlent des inscriptions religieuses en vermeil ; ces orfèvreries, bien entendu, ont subi l’injure du temps et de l’invasion afghane ; usées, bossuées, arrachées par place, elles évoquent très mélancoliquement la période sans retour des luxes fous et des raffinemens exquis.

Lorsqu’on entre sous cette voûte, à franges multiples, dans cette espèce de vestibule monumental qui précède le jardin, on voit le ruissellement des stalactites se diviser en coulées régulières le long des parois intérieures, dont les émaux représentent de chimériques feuillages bleus, traversés d’inscriptions, de sentences anciennes aux lettres d’un blanc bleuâtre ; le jardin apparaît aussi au fond, encadré dans l’énorme baie de faïence : un éden triste, où des buissons d’églantines et de roses fleurissent à l’ombre des platanes de trois cents ans. Le long de ce