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passage qui a l’air de mener à quelque palais de féerie, les humbles petits marchands de thé, de bonbons et de fraises, ont installé leurs tables, leurs plateaux ornés de bouquets de roses. Et nous croisons un groupe d’étudians qui sortent de leur école, jeunes hommes aux regards de fanatisme et d’entêtement, aux figures sombres sous de larges turbans de prêtre.

Le jardin est carré, enclos de murs d’émail qui ont bien cinquante pieds, et maintenu dans la nuit verte par ces vénérables platanes grands comme des baobabs qui recouvrent tout de leurs ramures ; au milieu, un jet d’eau dans un bassin de marbre, et partout, bordant les petites allées aux dalles verdies, ces deux sortes de fleurs qui se mêlent toujours dans les jardins de la Perse : les roses roses, doubles, très parfumées, et les simples églantines blanches. Eglantiers et rosiers, sous l’oppression de ces hautes murailles bleues et de ces vieux platanes, ont allongé sans mesure leurs branches trop frêles, qui s’accrochent aux troncs géans et puis retombent comme éplorées, mais qui toutes s’épuisent à fleurir. L’accès du lieu étant permis à chaque musulman qui passe, des bonnes gens du peuple, attirés par la fraîcheur et l’ombre, sont assis ou allongés sur les dalles et fument des kalyans, dont on entend de tous côtés les petits gargouillis familiers. Tandis qu’en haut, c’est un tapage de volière ; les branches sont pleines de nids ; mésanges, pinsons, moineaux ont élu demeure dans cet asile du calme, et les hirondelles aussi ont accroché leurs maisons partout le long des toits. Ces murs qui enferment le jardin ne sont du haut en bas qu’une immense mosaïque de tous les bleus, et trois rangs d’ouvertures ogivales s’y étagent, donnant jour aux cellules pour la méditation solitaire des jeunes prêtres. Au milieu de chacune des faces du quadrilatère, une ogive colossale, pareille à celle de l’entrée, laisse voir une voûte qui ruisselle de gouttelettes de faïence, de glaçons couleur lapis ou couleur safran.

Et l’ogive du fond, la plus magnifique des quatre, est flanquée de deux minarets, de deux fuseaux bleus qui s’en vont pointer dans le ciel : elle mène à la mosquée de l’école, dont on aperçoit là-haut, au-dessus des antiques ramures, le dôme en forme de turban. Le long des minarets, de grandes inscriptions religieuses d’émail blanc s’enroulent en spirale, depuis la base jusqu’au sommet où elles se terminent éblouissantes, en pleine lumière ; quant au dôme, il est semé de fleurs d’émail jaune et