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IV

La rouge aurore d’un matin de juillet pointait dans le ciel d’un bleu pâle ; aux pluies diluviennes de la veille succédait un soleil brillant qui promettait une chaude journée, « Dès que l’on pu se distinguer, » le combat s’engagea par une violente canonnade. Les Alliés commencèrent le feu ; leurs cent pièces, bien placées et admirablement servies, firent d’assez grands ravages. L’artillerie française riposta avec la même vigueur ; mais, d’un tiers moins nombreuse[1] et disposée sur un terrain plus bas, elle eut quelques désavantages. « Les plus vieux officiers de notre armée, écrit le prince de Conti[2], disent n’avoir jamais vu une canonnade pareille, essuyée de si près, et plus semblable aux combats de mer que de terre. » Ce duel se poursuivit de quatre heures du matin jusqu’à près de huit heures, où Luxembourg donna le signal de l’attaque. Notre gauche, aussitôt, fondit sur les villages de Laer et de Nerwinde avec une ardeur endiablée. Le premier fut vite emporté ; mais, à Nerwinde, la résistance fut rude. Berwick, qui marchait en tête, enleva pourtant d’un seul élan les premières barricades et, poussant toujours devant soi, chassa l’ennemi de haie en haie, malgré « un feu épouvantable. » Les brigades dirigées par Rubentel et Montchevreuil, qui devaient assaillir la droite et la gauche du village, rencontrèrent plus d’obstacle ; rebutées dans l’attaque de biais, elles se rabattirent sur le centre et se trouvèrent ainsi derrière la brigade de Berwick, qui continuait à avancer. Pendant ce temps, Guillaume jetait de nouvelles troupes vers la position menacée ; elles pénétrèrent par les côtés, prirent nos colonnes en flanc, et, après une lutte opiniâtre, les contraignirent à reculer. Montchevreuil y fut tué ; Rubentel, accablé par le nombre, évacua le village, où Berwick resta sans soutien avec ses quelques bataillons.

Il tint bon quelque temps encore, avec une belle ténacité, espérant du renfort. Mais enfin ses troupes, décimées, l’abandonnèrent et s’enfuirent à la débandade. Il se vit seul avec un aide de camp. Sans perdre son sang-froid, il ôta sa cocarde blanche, comptant se faire passer, grâce à son accent britannique,

  1. Nous avions soixante-dix canons contre cent aux Alliés.
  2. 3 août 1693. — Arch. de la Guerre, t. 1318.