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pour un officier des Alliés et regagner ainsi la plaine. Mais, comme il s’esquivait, George Churchill, le futur duc de Marlborough, passa par là, reconnut son neveu, et, « tout en l’embrassant, » il le fit prisonnier[1].On le conduisit à Guillaume, qui le reçut avec une froide courtoisie. Après un compliment poli : « Eh bien ! monsieur, demanda-t-il, M, de Luxembourg, ne se repent-il pas à cette heure de m’avoir attaqué ? — Monsieur, répondit Berwick, peut-être est-ce vous qui regretterez bientôt de l’avoir attendu. »

Pendant ce temps, l’ennemi, encouragé par son succès, revenait au village de Laer, dont nous étions restés les maîtres. Deux régimens anglais y rejoignaient les troupes de Hanovre et de Brandebourg, criblaient d’une grêle de feu les bataillons français, qui commençaient à lâcher pied. Vainement le marquis de Bezons, voulant tenter une diversion, s’élançait-il avec ses cavaliers, dans une charge héroïque ; les fossés et les palissades entravèrent leur élan. Fusillés presque à bout portant, deux fois nos gens furent ramenés sur l’obstacle, et deux fois repoussés. Un escadron, commandé par Maure vert, put seul franchir les lignes et pénétra dans le village ; il fut cerné, massacré jusqu’au dernier homme[2]. Après Nerwinde, on dut évacuer Laer. Notre gauche tout entière reprit les positions qu’elle avait avant le combat.

Nos affaires, à l’autre aile, n’étaient guère plus brillantes. L’ordre du maréchal était, nous l’avons vu, de ne faire à sa droite qu’une simple démonstration, sans pousser à fond l’offensive. Les brigades du prince de Conti se coulèrent à grand’peine à travers d’étroits défilés, cherchant à se mettre à couvert des terribles batteries qui les foudroyaient sans relâche. Elles arrivèrent au pied du village de Neerlanden, dont elles escaladèrent les haies. Les défenseurs, surpris, s’enfuirent à l’intérieur du bourg. Grisés par leur facile victoire, les dragons voulurent les poursuivre, se lancèrent en avant, sans s’inquiéter d’être soutenus, et se heurtèrent contre une grande barricade, qui les arrêta net. Les fuyards hollandais, renforcés de troupes fraîches amenées par le duc de Nassau, font maintenant tête avec vigueur, deviennent assaillans à leur tour, contraignent les dragons à se replier en désordre. Conti ne put que les rallier avec les brigades

  1. Mémoires de Berwick.
  2. Lettre d’un officier général de l’armée confédérée. Passim.