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ainsi ses appréhensions : « Depuis quelque temps, on refuse ici les passeports à tout le monde sans distinction. Nous sommes observés plus que jamais. Malheureusement, il y a beaucoup d’imprudens, pour ne pas dire plus, qui parlent et se conduisent avec bien peu de mesure... Que je félicite mes prédécesseurs d’avoir vécu en un autre temps !... »

Ménageot les en eût encore félicités davantage, si, le 13 janvier 1793, il se fût trouvé à Rome, qu’il avait quittée dès la fin de 1792. Ce jour-là, une semaine avant l’exécution de Louis XVI, le chargé d’affaires de France, Hugon de Basseville, fut assassiné, dans le Corso, par la populace, et le palais de l’Académie envahi et mis à sac. Les pensionnaires durent quitter Rome. Ils se réfugièrent à Naples, à Florence, ou ailleurs. Tant que cela leur fut possible, ils poursuivirent leurs études dans ces diverses villes, où vinrent les rejoindre d’autres artistes que, même alors, les difficultés et les périls ne réussirent pas à détourner de l’Italie et de ses enseignemens. De ce nombre fut Gros, l’élève préféré de David. Celui-ci, en déclarant qu’il n’avait plus rien à lui apprendre, avait demandé à la Convention, pour son brillant disciple, les moyens de faire le voyage d’Italie. A Gênes, le futur peintre de la Bataille d’Eylau fut présenté à Mme Bonaparte, qui l’emmena à Milan, et ce fut là que, dans une mémorable esquisse, il fixa les traits du vainqueur d’Arcole.

En dépit de l’émeute qui avait dispersé ses hôtes, l’Académie de France, en droit, sinon en fait, n’avait pas cessé d’exister. Jamais, à l’esprit des hommes de la Révolution, qui sans cesse évoquaient les noms et les exemples des héros de la Grèce et de Rome, il ne vint la pensée de supprimer une institution aussi étroitement rattachée à leur idéal. On ne saurait donc s’étonner, s’ils firent de l’École française de peinture, de sculpture et d’architecture de Rome un des complémens essentiels, ou même une partie intégrante du haut enseignement organisé par la Convention, lorsque cette toute-puissante assemblée eut, par le décret du 27 juillet 1793, fondé le Musée des Arts, tant avec les statues et tableaux du Cabinet du Roi, qui étaient déjà au Louvre, qu’avec ceux qu’on y apporta du dehors, notamment du château de Versailles, dont Barrère, en cela le précurseur du roi Louis-Philippe, avait proposé de faire ce qu’il appelait « un asile du patriotisme et des arts. » Voulant accentuer encore sa résolution de maintenir notre Ecole de Rome, la Convention ne